Rêves d'Espace

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Exploration lointaine

BepiColombo révèle Mercure en infrarouge lors d’un 5e survol

Après un 4e survol de Mercure en septembre dernier, la sonde euro-japonaise BepiColombo vient d’effectuer un passage rapproché de la planète ce 1er décembre. Lancée en octobre 2018, la sonde utilise une série d’assistances gravitationnelles pour se mettre en orbite de la planète Mercure en novembre 2026.

BepiColombo est la troisième mission à visiter la planète et, en 2026, ce sera la deuxième mission à entrer en orbite autour de Mercure. Elle est précédée par Mariner 10 de la NASA, qui a survolé trois fois entre 1974 et 1975, et Messenger de la NASA, qui a tourné autour de la planète de 2011 à 2015.

Les personnages Bepi, Mio et MTM correspondent au Mercury Planetary Orbiter de l’ESA (illustré en bleu), au Mercury Magnetospheric Orbiter de la JAXA (rouge) et au Mercury Transfer Module (gris).

Ce 1er décembre à 14h23 UTC, la sonde Bepi est passée à une distance plus grande que précédemment, à 37 628 km de la surface de Mercure.

Infographie du 5e survol de Mercure par BepiColombo (crédit ESA)

Aucune des trois caméras de surveillance ne pouvait prendre en photo Mercure lors du survol au plus près en raison de l’orientation de la sonde pour favoriser l’instrument scientifique MERTIS.

Quand l’orientation de la sonde l’a permis, des photos ont été prises alors que BepiColombo se trouvait au-dessus de l’hémisphère nord de Mercure, se dirigeant vers le sud à une vitesse de 2,8 km/s par rapport à la planète. Le bassin d’impact Caloris Planitia, de 1 550 km de large, est visible comme un élément circulaire plus brillant sur le disque de la planète. Le pôle Nord de Mercure est situé à droite à mi-chemin entre le jour et la nuit :

Mercure lors du cinquième survol de BepiColombo le 01/12/2024 (crédit ESA/BepiColombo/MTM).

BepiColombo passera beaucoup plus près du pôle Nord de Mercure lors de son dernier survol de Mercure le 8 janvier 2025.

Pour la première fois, Mercure en infrarouge

Pour ce 5e survol, Bepi a mis en fonctionnement pour la première fois sa caméra infrarouge MERTIS (MErcury Radiometer and Thermal infrared Imaging Spectrometer) pour prendre des photos inhabituelles de la planète en infrarouge. MERTIS ne montre pas la surface en lumière visible normale de la planète mais l’instrument révèle quelles parties de la surface sont plus chaudes que les autres et met en avant certains types de minéraux constitutifs de la surface.

L’instrument MERTIS a réalisé la première image de Mercure en infrarouge moyen, couvrant une partie du bassin Caloris et des plaines volcaniques de l’hémisphère nord, avec une résolution au sol d’environ 26–30 km.

L’image ci-dessous met en évidence le cratère d’impact Bashô, une caractéristique de la planète déjà vue par Mariner 10 et observée en détail par Messenger. Des images en lumière visible montrent que le cratère d’impact Bashô contient à la fois un matériau très sombre et très brillant. Les observations de MERTIS montrent ici une anomalie dans l’intensité du rayonnement infrarouge moyen (thermique), confirmant les caractéristiques particulières du cratère.

Cette image met en évidence le cratère d’impact Bashō, qui se distingue particulièrement en lumière infrarouge. Les couleurs de cette image indiquent à quel point la surface de Mercure rayonne avec une longueur d’onde de 8,45 micromètres. Ce rayonnement dépend des minéraux dont est constituée la surface cratérisée, de la rugosité de la surface et de la température. Les lacunes apparaissant régulièrement sur la carte sont dues au cycle d’étalonnage sur l’instrument. L’image de fond en niveaux de gris montre la surface de Mercure telle qu’observée par la mission Messenger de la NASA. En bas à droite, l’image montre la couverture du survol projetée sur le globe de Mercure. Les données MERTIS de survol présentées en gris sont superposées sur la mosaïque globale d’une carte topographique basée sur les données Messenger (crédit MERTIS/DLR/University of Münster & NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Carnegie Institution of Washington).

Ces observations permettront de mieux comprendre la composition minéralogique de la surface de Mercure, qui reste mystérieuse. Les données de MERTIS aideront à résoudre des énigmes telles que la faible teneur en fer de la surface et l’apparence sombre de la planète.

Le radiomètre MERTIS a également mesuré des températures allant jusqu’à 420 °C pendant le survol sur la face éclairée de la planète.

À partir de 2027, les deux orbiteurs de la mission collecteront des données pendant au moins un an, avec MERTIS fournissant une carte globale de la distribution des minéraux à la surface de Mercure avec une résolution allant jusqu’à 500 mètres.

Le 15/11/2014, l’orbiteur MESSENGER de la NASA a photographié le bassin Caloris, la plus grande structure d’impact sur Mercure, en utilisant le système de caméra MDIS dans divers canaux de couleur (centrés à 31,5 degrés de latitude nord et 162,7 degrés de longitude est). La mosaïque est un composite de couleurs superposé sur une mosaïque monochrome. La combinaison d’images grand angle et télescopiques permet de corréler les caractéristiques géologiques avec leurs propriétés de couleur. Le bassin de Caloris a été inondé de lave, qui apparaît orange dans cette mosaïque. Les plus grands cratères ont exposé un matériau faiblement réfléchissant (bleu) sous la lave de surface, donnant probablement un aperçu du matériau d’origine du fond du bassin (crédit : NASA/JHU-APL/Institution Carnegie de Washington).

Bonus : Des résultats du 3e survol

Le 3e survol de Mercure s’est déroulé le 19 juin 2023 et 10 instruments scientifiques ont été allumés à l’occasion.

Mercure possède un champ magnétique qui interagit avec les particules du Soleil ou « vent solaire ». Cela crée la magnétosphère de Mercure, une bulle dans l’espace qui a la forme d’une « manche à air » s’éloignant du Soleil. Cette bulle change constamment en réponse au vent solaire.

La sonde a traversé la magnétosphère de Mercure en 30 minutes environ pendant le survol. L’instrument MPPE (Mercury Plasma Particle Experiment) sur le Mercury Magnetospheric Orbiter (MMO) a pu échantillonner le type de particules, leur degré de chaleur et leur mouvement.

Éclaté de BepiColombo (crédit ESA/Rêves d’espace)

En utilisant les données collectées par l’analyseur de spectre de masse (MSA), l’analyseur d’ions de mercure (MIA) et l’analyseur d’électrons de mercure (MEA) de la JAXA sur le MPPE, et en combinant ces mesures avec un modèle informatique pour déterminer l’origine des ions détectés en fonction la trajectoire de la sonde, les scientifiques ont pu déterminer diverses caractéristiques rencontrées le long de la trajectoire de sonde.

Les instruments sur le Mercury Magnetospheric Orbiter (MMO) :
MDM: Mercury dust monitor. MAST-MGF/SC (MMO-MAG): Magnetometer / magnetic sensors. MPPE: Mercury plasma particle experiment (MIA: Mercury Ion Analyser, HEP: High-energy particle; ENA: Energetic neutrals analyser; MSA: Mercury mass spectrum analyser). MSASI: Mercury sodium atmospheric spectral imager. PWI: Plasma wave investigation; (WPT: Wire probe antenna; MEFISTO: Mercury electric field in situ tool) (crédit ESA/ATG medialab)

La première caractéristique rencontrée par BepiColombo, est l’onde de choc supersonique [Bow shock] du vent solaire, très rapide (plus de 300 km/s), rencontrant le champ magnétique de Mercure. Ensuite, il a traversé la magnétopause, qui sépare le vent solaire choqué dans la magnétogaine [Magnetosheath], une région de plasma très turbulent et « bruyant », parcourue par diverses ondes électromagnétiques de très basse fréquence, du reste de la magnétosphère de Mercure
Les mesures effectuées entre 19 h 10 min 30 s et 19 h 27 min 34 s UTC ont révélé une région de plasma turbulent au bord de la magnétosphère, hébergeant des particules avec une large gamme d’énergies. Cette région est appelée couche limite des basses latitudes [LLBL, Low-Latitude Boundary Layer].

Les instruments ont détecté la présence d’ions froids [Cold ion cloud] (comme l’oxygène, le sodium et le potassium) éjectés de la surface de Mercure avec des énergies inférieures à 50 eV, des ions énergétiques d’hydrogène (H+) piégés avec des énergies d’environ 20 keV, indiquant l’existence d’un courant annulaire [Ring current], et des électrons énergétiques jusqu’à 10 keV dans la magnétosphère profonde.

D’environ 19:32:00 à 19:44:04 UTC, la sonde a traversé une région avec des ions et des électrons de haute énergie. La présence de ces ions énergétiques à la fois près de l’équateur et à basse altitude – BepiColombo est passé à seulement 235 km au-dessus de la surface de la planète – suggère fortement que la sonde a voyagé à travers un courant annulaire ténu autour de Mercure.

Un courant annulaire est un courant électrique véhiculé par des particules chargées piégées dans la magnétosphère. La Terre a un courant annulaire bien compris situé à des dizaines de milliers de kilomètres de sa surface. Pour Mercure, il est moins clair comment les particules peuvent rester piégées à quelques centaines de kilomètres de la planète, d’autant plus que la magnétosphère est écrasée contre la surface de la planète. La mission scientifique de MPO et MMO apportera sans doute des éléments pour mieux comprendre ce qu’il se passe.

Une sphère texturée représentant Mercure est représentée avec des lignes de champ magnétique comprimées du côté solaire et s’écoulant dans une queue du côté nocturne. La trajectoire de BepiColombo est tracée en passant par la magnétosphère de l’aube au crépuscule, près de la surface de la planète. Diverses caractéristiques de la magnétosphère sont représentées et étiquetées avec du texte (crédit ESA)


Ce sont des résultats préliminaires qui seront précisés au cours de la principale mission scientifique de BepiColombo.

Les différentes assistances gravitationnelles de Bepi Colombo et la date d’arrivée de Bepi en orbite de Mercure avec le nouveau calendrier (crédit ESA)

Le prochain survol de Mercure est prévu le 8 janvier 2025 afin de modifier la vitesse et la direction de la sonde pour la dernière fois, avant que les trois parties du vaisseau spatial se séparent pour une mise en orbite autour de Mercure en novembre 2026 (1 an après l’arrivée prévue mais retardée à cause d’une baisse de puissance de son système de propulsion).

Photo de couverture : Cette vue a été prise à 10h46 UTC par la caméra de surveillance 2 (M-CAM 2) de MTM, lorsque la sonde se trouvait à plus de 51 000 km de la surface de la planète, 3 heures 37 minutes avant l’approche la plus proche. Les caméras de surveillance fournissent des images en noir et blanc à une résolution de 1 024 x 1 024 pixels. Cette image a été légèrement traitée pour réduire certains effets de bandes provoqués par l’absence d’obturateur mécanique de l’appareil photo

Source, source et publication sur l’environnement plasmatique de Mercure observé lors du 3e survol.

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