Atterrissage raté sur la Lune pour Hakuto-R
L’entreprise privée japonaise iSpace vient de tenter de faire atterrir sa mission 1 Hakuto-R ce 24 avril 2023. Mais le signal avec l’atterrisseur a été perdu quelques mètres avant le sol lunaire. Le directeur d’iSpace a annoncé qu’ils étaient pessimistes sur l’issue de la mission. Le lanceur semble s’être crashé sur le sol lunaire.
ISpace a publié un communiqué un peu moins de 2 heures après l’heure prévue de l’atterrissage :
Le Lander lunaire de la mission 1 de la HAKUTO-R devait atterrir à la surface de la Lune à 1 h 40 am JST* le 26 avril 2023. À ce moment, le centre de contrôle de mission HAKUTO-R à Nihonbashi à Tokyo n’a pas été en mesure de confirmer le succès du Lunar Lander. Les ingénieurs d’iSpace et les spécialistes des opérations de mission au Mission Control Center travaillent actuellement pour confirmer l’état actuel de l’atterrisseur
*16h40 UTC ou 18h40 heure de Paris le mardi 25 avril.
iSpace a communiqué un peu plus tard :
Sur la base des données actuellement disponibles, le Mission Control Center à Tokyo, a confirmé que l’atterrisseur était en position verticale alors qu’il effectuait l’approche finale de la surface lunaire. Peu de temps après l’heure d’atterrissage prévue, aucune donnée n’a été reçue indiquant un alunissage. Les ingénieurs d’iSpace ont estimé que le carburant a atteint son seuil inférieur et peu de temps après, la vitesse de descente a rapidement augmenté. Après cela, la perte de communication s’est produite. Sur cette base, il a été déterminé qu’il y a une forte probabilité que l’atterrisseur ait finit par atterrir durement à la surface de la Lune.
iSpace, entreprise privée japonaise mais une mission internationale
Ispace est une entreprise japonaise d’environ 200 personnes implantée également au Luxembourg et aux Etats-Unis. Son activité est centrée sur le développement d’un service de transport à haute fréquence vers et depuis la surface lunaire, pour « construire un monde durable qui utilise les ressources spatiales et fait de la Terre et de la Lune un écosystème unique« . En 2018, ispace a rejoint une équipe dirigée par Draper qui a été sélectionnée par la NASA pour participer à son programme de services de charge utile lunaire commerciale (CLPS – Commercial Lunar Payload Services). Ispace a également répondu à l’appel d’offres de la NASA pour des missions de collectes d’échantillons sur le sol lunaire dans le cadre du programme Artemis.
Ispace est associée avec plusieurs entreprises privées pour la mission Hakuto-R dont la compagnie aérienne Japan Airlines et Suzuki [liste des partenaires]. ArianeGroup fournit les deux systèmes de propulsion indépendants dont le moteur de freinage et d’atterrissage. L’entreprise américaine Draper, fournisseur historique des logiciels de navigation des missions Apollo avec le MIT Instrumentation Laboratory, a fourni les logiciels de guidage, de navigation et de contrôle pour l’atterrissage. Les panneaux solaires ont été fournis par Sierra Space.
Hakuto-R Mission 1 embarquait une trentaine de kilogrammes de charges utiles dont le rover Rashid, développé par le MBRSC (Mohammed Bin Rashid Space Centre) et l’agence spatiale émirati EUSA.
De belles étapes franchies en 4 mois de mission
Hakuto-R a décollé le 11 décembre 2022 à bord d’une Falcon 9. Après 4 mois de voyage, Hakuto-R est entrée en orbite lunaire le 21 mars.
iSpace s’était fixé jusqu’à 10 objectifs au cours de la mission. Jusqu’au 25 avril, ils en avaient réussi 8.
Au fil des jours, l’atterrisseur effectuait plusieurs manœuvres pour circulariser son orbite à 100 km d’altitude autour de la Lune le 14 avril, afin de se préparer pour la phase finale : l’atterrissage.
La désorbitation a eu lieu à 15h40 UTC avec une descente vers une altitude à 25 km avant de commencer la phase de freinage avec son moteur principal.
Le lander doit ralentir d’une vitesse supérieure à 6 000 km/h à une vitesse de quelques m/s dans les 13 dernières minutes avant de poser ses pieds sur le sol lunaire.
Le site de lancement visé se situait sur l’hémisphère nord de la face visible de la Lune au niveau du cratère Atlas (47.5° N, 44.4° E) à Mare Frigoris.
Tout semblait bien se passer. Le centre de mission (MCC) recevait la télémétrie en temps réel. Mais moins de 30 secondes avant l’heure prévue de l’atterrissage (16h40 UTC), il y eu une perte de contact avec le lander.
La dernière télémétrie reçue d’Hakuto-R était à une vitesse de 31 km/h à 80 mètres d’altitude.
Après plusieurs minutes d’attente, le directeur d’iSpace a pris la parole [voir intro].
Malheureusement il semblerait donc que le Japon ne soit pas devenu le quatrième pays à atterrir sur la Lune. Dans l’histoire récente du spatial, iSpace rejoint les tentatives infructueuses de Chandrayaan-2 de l’Inde et de Beresheet d’Israël en 2019. Seule la Chine a réussi à 3 reprises ses alunissages (Chang’e3, Chang’e4 et Chang’e5).
Si l’atterrissage avait réussi, l’atterrisseur était conçu pour fonctionner pendant environ 10 jours sur le sol lunaire, et le rover Rashid pour 14 jours terrestres.
Et bientôt Missions 2 et 3
Hakuto-R est en fait un projet lunaire ambitieux en plusieurs parties, parmi les nombreuses missions commerciales en développement pour l’exploration spatiale de notre satellite. Aujourd’hui c’était « Mission 1 » mais « Mission 2 » est déjà en préparation, la construction du modèle de vol ayant déjà commencé selon les discours d’iSpace lors du direct de l’atterrissage.
« Mission 2 » devrait décoller en 2024 avec le déploiement du rover d’iSpace pour l’exploration de la surface et la collecte de données. Le rover est directement dérivé de celui du concours Google Lunar X-Prize développé par le Space Robotics Lab de l’Université Tohoku. Ispace a annoncé que son rover léger, équipé de quatre roues, pourra aisément traverser un terrain difficile, aura des capacités vidéo et photo en haute définition à 360°, la capacité de réaliser une cartographie détaillée du terrain, et celle de transporter les charges utiles des clients à la surface lunaire.
D’autres atterrissages lunaires sont prévus dans les mois à venir : Peregrine d’Astrobotic, Nova-C d’Intuitive Machines ou peut-être Luna-25 de Roscosmos et Chandrayaan-3 de l’ISRO.
On n’a pas fini de parler de la Lune !
Revoir le live commenté en français de l’atterrissage :
Image de couverture : illustration de l’atterrissage et photo de la Terre prise par Hakuto-R (crédit iSpace)