Rêves d'Espace

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Actualités spatiales du 29 avril au 5 mai : panne à l’ISS, Long March, New Shepard, Momo, Falcon 9 et Electron

Une semaine agrémentée de retards et reports mais bien remplie au final.

 

Panne électrique importante dans l’ISS

Le , la défaillance d’un composant électrique appelé MBSU (Main Bus Switching Unit, boîtier de commutation du bus principal) a provoqué une panne, réduisant d’environ 25 % l’alimentation de la Station Spatiale Internationale. Cet incident n’a mis à aucun moment la vie des astronautes à bord en danger.

En attendant que la pleine puissance soit rétablie dans l’ISS, l’équipage avait branché des câbles d’appoint pour rediriger le courant vers les expériences scientifiques et d’autres matériels, afin de limiter l’impact de la panne sur les opérations habituelles dans la Station.

Localisation de MBSU sur le Truss 0 (crédit NASA)

Les MBSU constituent une partie essentielle du système d’alimentation de la station spatiale, agissant en tant que centre de distribution central entre les 8 panneaux solaires et les différents consommateurs d’énergie internes et externes sur l’ISS. Les quatre MBSU de la station résident toutes sur la structure centrale S0 et acceptent chacune l’alimentation primaire de deux des canaux d’alimentation de la Station (DCSU), qu’ils distribuent ensuite en aval aux convertisseurs à courant continu (DDCU) qui créent le flux d’alimentation secondaire pour les différents utilisateurs.

Architecture de puissance de l’ISS (crédit Boeing)

L’équipement défaillant alimente deux des huit canaux électriques de la Station, y compris une alimentation pour le bras robotique Canadarm. Bien que le bras robotique restait alimenté via un canal séparé, les règles de vol de la NASA exigent des alimentations redondantes pour le bras lors d’opérations critiques, telles que la capture d’un cargo. Du coup, le décollage de la Falcon 9 avec à son bord le cargo de réapprovisionnement Dragon CRS-17 initialement planifié au 1er mai a été reporté [voir plus bas le lancement réussi au 4 mai].

Grâce au bras robotique piloté depuis le sol, et surtout à son extension Dextre (ou Special Purpose Dextrous Manipulator, SPDM), la MSBU défaillante a été remplacée par un module de remplacement stocké en attente sur la plate-forme de stockage externe ESP.

Dextre pendant les manœuvres de remplacement du composant électrique MBSU défectueux, visible au bas de l’image, le 02/05/2019. (crédit NASA)

C’est la deuxième fois seulement que ce type de composant est remplacé à l’aide des robots. Il a été possible de boucler rapidement l’opération, en un temps record de 72 heures, grâce à l’expérience précieuse acquise deux ans plus tôt en

LM-4B : lancement surprise de la Chine

Mardi 30 avril à 6h52 heure locale (le lendemain 00h52 heure française), la CASC a lancé une fusée Long March 4B avec à bord deux satellites Tianhui, depuis le Taiyuan Space Center. C’était un lancement non-annoncé. Selon les sources officielles, le vol s’est bien déroulé.

Décollage de la LM-4B (crédit CASC/Weibo)

C’était le septième lancement chinois de 2019, et le premier d’une LM-4B. C’était aussi le premier lancement de l’année ayant lieu depuis le Taiyuan Space Center, qui se trouve dans la province de Shanxi, au nord-est du pays. Cette base, qui connaît peu de tirs dans l’année, sert à lancer des Long March 4 et 6 pour mettre des satellites en orbite héliosynchrone (SSO).

La Long March 4B est une fusée à trois étages de 45 à 48 m de haut, développée par l’académie de Shanghai pour la technologie des vols spatiaux (SAST) et opérée par la CALT (China Academy for Launchers Technology). La Long March 4B est capable de mettre une charge utile de 2,8 tonnes à 500 km SSO. Selon les données militaires américaines, les satellites Tianhui ont été placés à 500 km SSO avec une inclinaison de 97.5° par rapport à l’équateur.

La LM-4B décolle du Taiyuan Space Center (crédit CASC/Weibo)

Les deux satellites Tianhui 2-01 A et B sont, selon Xinhua News, l’agence de presse du gouvernement chinois, des satellites d’observation dédiés à la cartographie, au suivi du paysage et à des études géographiques, notamment le suivi des ressources naturelles (pilier de l’économie chinoise). Les satellites pourront aussi faire de l’observation à des fins scientifiques pour, par exemple, le suivi des espaces naturels. Ces deux nouveaux Tianhui s’ajoutent aux trois Tianhui-1, lancés par des LM-2D entre 2010 et 2015. Tous sont fabriqués par la Hangtian Dongfanghong Weixing Corporation et la CAST (principal fournisseur de satellites en Chine, étatique).

La LM-4B en vol (crédit CASC/Weibo)

Lors de ce tir, on a pu voir sur les réseaux sociaux des morceaux du premier étage de la LM-4B tomber au sol en zone habitée, au bord d’une autoroute, après sa séparation. De nombreux badauds ont pu voir un réservoir et des moteurs de très près (dangereux à cause des traces de carburant toxiques restantes), l’autoroute a été bloquée pendant deux heures. Le morceau du premier étage était tombé à seulement quelques mètres de la voirie, à la sortie d’un tunnel. Ce genre d’images est désormais classique pour un lancement chinois. De plus, comme ce lancement n’était pas annoncé, les autorités au sol n’étaient pas prévenues et les pilotes n’avaient pas accès aux consignes de sécurité.

Un réservoir tombé à quelques mètres du bord de l’autoroute (crédit Weibo)

Pourquoi les lancements chinois sont-ils souvent accompagnés de « débris de fusées retombant dans les rizières » ? La raison est qu’à la différence de la plupart des autres bases de lancement du monde, trois des quatre bases chinoises ne sont pas situées en bord de mer. Le Jiuquan Space Center est situé en plein désert de Gobi (avantage côté sécurité car dans cette zone il n’y a aucun habitant sur des centaines de kilomètres à l’est de la base). Le Taiyuan Space Center et le Xichang Space Center sont situés dans les montagnes, car celles-ci servaient de protections naturelles aux déflagrations dues à d’éventuels bombardements (ils ont été créés lors de la guerre froide). Seul le Wenchang Space Center est situé au bord de la Mer Jaune, mais celui-ci n’accueille que peu de lancements, même si à l’avenir, avec la LM-5 et la LM-9, il deviendra de plus en plus actif. De plus la Chine envisage de tirer aussi depuis la mer avec un premier tir LM-11 prévu le 5 juin. Les Xichang et Taiyuan Space Center sont trop éloignés de la côte pour que les premiers étages des Long March, ou les boosters additionnels, ne retombent en mer après séparation. La CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation) a annoncé étudier l’idée d’équiper ces premiers morceaux de parachutes pour diriger leur descente mais, pour l’instant, les locaux doivent continuer à surveiller le ciel.

Des Chinois curieux qui viennent voir de (trop) près un des quatre moteurs de la LM-4B, il tournait à plein régime quelques minutes auparavant.. (image Weibo)

 

New Shepard

Jeudi 2 mai, nouvelle mission réussie pour le lanceur suborbital New Shepard de l’entreprise Blue Origin.  Le vol NS-11 marque la 5e réutilisation du booster et annonce peut-être un lancement habité d’ici la fin de l’année.

Détails dans l’article dédié : New Shepard NS-11 : dernier vol de test avant un vol habité ?

Atterrissage du booster et de la capsule NS-11 le 02/05/2019 (credit Live Blue Origin)

 

MOMO-3 : le vol qui marque la fin des échecs

La fusée-sonde MOMO-3 a décollé avec succès vendredi 3 mai de son pas de tir à Taiki, sur l’île de Hokkaïdo. La société japonaise Interstellar Technologies, qui a développé les fusées-sondes MOMO, a enfin brisé la série des deux échecs précédents avec MOMO-1 (qui avait automatiquement explosé une minute après le décollage car elle ne transmettait plus de télémétrie) et MOMO-2 (problème moteur au décollage entraînant l’explosion de la fusée). MOMO-3 est montée à plus de 100 km comme prévu et a donc atteint l’espace. [article spécial à venir très bientôt sur le blog Spacekiwi]

Décollage de MOMO-3 (crédit Mainichi)

 

Une Falcon 9 pour une mission de ravitaillement de l’ISS

Après avoir été retardé à cause de l’incident électrique à bord de la Station Spatiale Internationale [lire plus haut], le décollage d’une Falcon 9 avec à son bord le cargo de réapprovisionnement Dragon CRS-17 devait décoller le 3 mai. Finalement le tir avait été reporté dans les 15 dernières minutes avant l’heure prévue à cause d’une anomalie sur la barge de récupération du premier étage et aussi semble-t-il d’une fuite d’hélium sur le second étage.

Finalement, le décollage de la Falcon 9 a eu lieu le 4 mai à 0648:58 UTC précisément depuis Cap Canaveral en Floride, l’heure précise étant nécessaire afin d’avoir l’axe du décollage et du déploiement du cargo dans le plan orbital de l’ISS.

CRS-17 Mission

Décollage Falcon 9 / Dragon CRS-17 le 04/05/19 (crédit SpaceX)

Un peu plus de 2 minutes après le décollage, le moteur du premier étage s’est éteint et le booster s’est séparé du lanceur. Il a ensuite entamé sa descente vers l’Océan Atlantique afin d’atterrir moins de 9 minutes après le décollage sur la barge « Of Course I Still Love You« . Contrairement aux atterrissages des boosters dédiés au lancement des cargos de ravitaillement en orbite basse, qui ne demandent pas la même puissance que pour une mise sur orbite de transfert géostationnaire, l’atterrissage n’a pas eu lieu sur la zone d’atterrissage de Cap Canaveral, ou landing Zone, à cause de l’incident sur la capsule Crew Dragon DM-1 [lire plus bas]. C’était le premier vol de ce booster, le Core B1056, type « block 5 », la dernière évolution de cet étage, censé pouvoir être réutilisé 10 fois sans maintenance.

Atterrissage du premier étage Falcon 9 le 04/05/2019 (crédit NASA TV)

Pendant ce temps, le second étage de la Falcon 9 effectuait la mission principale et mettait sur orbite le cargo Dragon CRS-17 8 minutes et 38 secondes après le décollage.

Peu de temps après la séparation du cargo du second étage, les panneaux solaires étaient déployés puis le système de navigation était mis en fonctionnement.

Déploiement des panneaux solaires du cargo CRS-17 le 04/05/2019 (crédit NASA TV)

Le cargo entamait alors sa course-poursuite pour rejoindre l’ISS. La capture du Dragon par le bras robotique Canadarm a été effectuée le lundi 6 mai et l’amarrage réussi. Détails sur le chargement du cargo CRS-17 dans un prochain article : SpaceX : succès pour CRS-17 mais les difficultés se succèdent pour la Crew Dragon (publié 10/05/19)

CRS-17 Mission

Photo en longue exposition montrant le décollage de la Falcon 9 (à gauche) et le retour du premier étage pour son atterrissage (à droite) le 04/05/19 (crédit SpaceX)

 

Electron : cinquième succès pour RocketLab

Dimanche 5 mai, RocketLab a lancé avec succès sa sixième fusée Electron avec à bord trois satellites expérimentaux de l’US Air Force. Le décollage a eu lieu depuis le Launch Complex 1 (LC1) à Mahia Peninsula en Nouvelle-Zélande.

Décollage de nuit pour Electron (crédit RocketLab)

Après la NASA, et seulement cinq semaines après le lancement R3D2 pour la DARPA, RocketLab enchaîne avec brio les clients prestigieux avec l’US Air Force. Ce succès, le cinquième pour une Electron, le premier pour le compte de l’US Air Force, est une nouvelle garantie de confiance des clients gouvernementaux envers RocketLab, leader en livraison de smallsat en orbite basse, mais surtout aujourd’hui la seule compagnie américaine à pouvoir assurer un lancement de petit lanceur. En effet, sur le continent, la Pegasus XL est devenue trop chère tandis que les autres compagnies comme Virgin Orbit, Arca, Vector ou Firefly Aerospace ne sont pas encore prêtes.

 

Le décollage a eu lieu à 08h00 heure française (18h00 heure de Nouvelle Zélande), juste après la tombée de la nuit. C’était donc le premier vol de nuit pour RocketLab. Le premier étage a fonctionné pendant 2min31s, puis le second a pris le relais pendant 6min24s. 9 minutes après décollage, le dernier étage (kickstage) était en orbite elliptique de transfert. C’est 40 minutes après, que le moteur électrique Curie du kickstage s’est mis en marche pour circulariser l’orbite et ainsi livrer les satellites. Avec le moteur Curie, la fusée Electron est désormais connue pour faire les mises en orbite parmi les plus précises au monde.

La fusée Electron après le remplissage en oxygène liquide (LOX) (crédit RocketLab)

Les trois satellites clients font partie du programme STP (Space Test program) de satellites expérimentaux du département de la défense américaine (DoD). Le poids total était de 180 kilos, ce qui est un record de masse pour l’Electron. L’orbite définitive est basse (LEO) mais n’a pas été précisée. Le gros de la masse totale est assuré par le satellite Harbinger, développé par York Space Systems, dans le but de tester et qualifier la plateforme satellite York’s S-CLASS, adaptée aux besoins gouvernementaux. Harbinger dispose aussi d’un radar à rayon X, capable par conséquent de scanner la surface terrestre en dépit des nuages.

Le satellite Harbinger en salle blanche (Crédit York Space Systems)

Harbinger déploiera lui-même les deux autres charges utiles à l’aide de déployeurs intégrés. Le premier des deux est SPARCS-1, un cubesat 6U conjointement développé par la Suède et les USA et sponsorisé par le Air Force Research Laboratory Space Vehicles Directorate (AFRL-RV). Il testera des éléments d’avionique miniaturisés, ainsi qu’un software de communication radio. Il dispose aussi d’une caméra en visible. L’autre charge utile est Falcon ODE (Falcon Orbital Debris Experiment) un cubesat 1U sponsorisé par l’Air Force Academy. Sa seule mission : larguer deux billes en inox qui seront traquées depuis le sol jusqu’à leur rentrée atmosphérique. Ces suivis serviront à calibrer des instruments au sol, afin d’avoir un suivi des débris spatiaux plus performant.

Patch de la mission qui était surnommée « That’s a funny looking cactus », en référence aux cactus du Nouveau-Mexique où est localisé le programme STP. L’oiseau de droite est un road runner (alias « Beep Beep » dans les cartoons), l’oiseau de l’état du Nouveau-Mexique. L’oiseau de gauche est un kiwi (mon préféré ^^), oiseau symbolique de Nouvelle Zélande. (crédit RocketLab)

 

En bref

La capsule Crew Dragon DM-1 détruite

Le 20 avril, lors d’un test statique, la capsule Crew Dragon qui avait réalisé le premier vol de démonstration du nouveau vaisseau habitable de SpaceX vers l’ISS, a connu un incident majeur [à lire dans les Actualités spatiales du 15 au 21 avril].

Le 2 mai, lors de la conférence de presse d’avant tir du cargo CRS-17, Hans Koenigsmann, vice-président chargé de la fiabilité des vols et de la construction chez SpaceX, a déclaré que l’anomalie avait eu lieu juste avant l’allumage des propulseurs SuperDraco sur le vaisseau et que la capsule avait été détruite. «Les données initiales indiquent que l’anomalie s’est produite lors de l’activation du système SuperDraco.» L’activation des propulseurs a lieu environ une demi-seconde avant l’allumage. Il a ajouté, cependant, qu’il ne pensait pas que le problème venait des propulseurs SuperDraco eux-mêmes, citant «environ 600 tests» des propulseurs au cours de leur développement. Des investigations sont en cours avec la NASA. Il n’y a pas à ce jour d’informations sur le calendrier des prochains vols d’essais, dont le premier vol habité était avant l’incident prévu en juillet 2019. Beaucoup d’experts tablent pour au moins 6 mois de retard.

 

Chang’e 4 : jour 5

Le lander lunaire chinois et son rover Yutu-2 se sont réveillés le 28 avril pour leur cinquième jour sur la face cachée de la Lune. Pour l’instant, la CLEP n’a fait que confirmer leur réveil mais n’a plus donné d’informations depuis (c’était la fête du Travail en Chine, 4 jours fériés). Mais, au vu du déroulement des jours précédents, le rover a dû entrer en mode veille le 1er mai pour sa sieste du midi lunaire et se réveillera le 8 mai. Les opérations du jour 5 prendront fin normalement le 11 mai, avant la tombée de la nuit. Fin avril, la CLEP a lâché de nouvelles images datant des jours précédents.

Image
Yutu-2 photographie ses traces sur le cratère Von Kàrmàn (crédit CLEP)

 

Causes « criminelles » expliquant les échecs Taurus

En 2009 et 2011, deux fusées Taurus XL de Orbital ATK échouent lors de leur décollage, perdant les expériences ODE et Glory de la NASA, pour un total de plusieurs centaines de millions de dollars. Après une longue enquête, les conclusions de la NASA sont glaçantes : Orbital aurait acheté des pièces d’aluminium défaillantes à l’entreprise Sapa Profiles, Inc. Celles-ci n’ont pas bien fonctionné lors de l’éjection des coiffes. La société SPI avait falsifié ses rapports sur les tests des pièces ainsi que les certificats de qualification. Pour en savoir plus : le rapport de la NASA (en anglais).

 

NB : article écrit à quatre mains avec Isabelle !

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3 réflexions sur “Actualités spatiales du 29 avril au 5 mai : panne à l’ISS, Long March, New Shepard, Momo, Falcon 9 et Electron

  • Bravo pour ces articles de briefing, c’est vraiment très bien fait, synthétique et à la fois très bien informé – je vais me mettre à lire plus souvent !

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  • Michel Clarisse

    NB : le satellite Harbinger a été lancé dans le cadre de la Rapid Agile Launch Initiative (RALI).

    Pourquoi s’appelle-t-il Harbinger ? Etait-ce un général US ?

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    • Je ne sais pas. Je n’ai aucun élément qui lie ce nom à une origine militaire. Harbinger veut dire « présage » ou « le messager » en français. Mais Harbinger est avant tout un démonstrateur technologique et de qualification de plateforme satellite. York Space Systems ne précise pas d’où vient ce nom.

      Répondre

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