Quand Rosetta s’invite dans Science
C’est dans le dernier numéro de Science, en date du 23 Janvier 2015, que les équipes scientifiques en charge de 7 des instruments à bord de Rosetta ont publié leurs premiers résultats, fruits de l’analyse de quantité de données récoltées depuis l’arrivée de l’orbiteur autour de sa comète en Août dernier [ retour dans le passé, lors de cette phase d’approche, avec l’article Rosetta : la comète 67P en ligne de mire ].
On retiendra notamment les nombreuses images spectaculaires prises par la caméra haute résolution OSIRIS. L’appareil a jusqu’ici couvert près de 70% de la surface de la comète, avec des résolutions descendant jusqu’à 15cm/pixel, tandis que le reste de la surface se trouve encore dans l’ombre. Ces clichés, dont certains illustrent cet article, ont été capturés d’Août à Octobre 2014, alors que la sonde s’approchait de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, jusqu’à une altitude d’environ 8 kilomètres depuis laquelle a été réalisé la formidable photo visible ci-dessous (photo qui se trouve en couverture de Science).
Cette image, ainsi que les deux clichés suivants, offrent à nos yeux des paysages qui nous sembleraient presque familiers : pics montagneux, dunes de sable ou traces laissées par le vent soufflant sur des rochers. Bien que l’oeil puisse se méprendre, il est évident pour les scientifiques que les phénomènes à l’origine de ces images surprenantes sont bien différents de ce que l’on peut rencontrer sur Terre.
Le rôle du vent et de l’atmosphère, qui permettent l’érosion et les déplacements de matière à la surface de la Terre, serait ici joué par les gaz s’échappant de l’intérieur du noyau cométaire, notamment via des trous béants principalement situés près du cou de la comète. Ces gaz forment alors l’atmosphère cométaire, que l’on appelle coma, tout en traînant la poussière à la surface, laissant apparaître ces formes presque terrestres.
L’étude de la comète a permis aux scientifiques de distinguer 19 zones ayant chacune des caractéristiques bien distinctes, à qui ont été attribué des noms issus de la mythologie égyptienne, pour conserver le thème adopté sur l’ensemble de la mission. 4 types principaux de terrains ont permis de catégoriser les différentes régions, des terrains lisses à ceux présentant des surfaces plus rocheuses, en passant par des zones couvertes de poussières. Pour plus de détails sur ces différentes régions, consultez cette page de l’ESA (en anglais).
L’instrument VIRTIS a quant à lui permis de détecter la présence de matériaux organiques, avec des structures qui apparaissent pour l’instant relativement simples, composées autour de liaisons carbone-hydrogène et oxygène-hydrogène. ROSINA a de son côté mesuré le rapport H20/CO2 entre mi-Août et mi-Septembre, révélant une composition hétérogène de la coma (atmosphère cométaire), qui pourrait s’expliquer par des variations de température à la surface du noyau. Le dépôt de matière organique qui recouvre certaines zones de la comète pourrait expliquer ces écarts de températures, puisque le matériau semble être un excellent isolant (cette couche atteindrait par endroit le mètre d’épaisseur). Ces mesures ont également montré des fluctuations dans les émissions de gaz. Il semblerait que sur une journée cométaire (soit environ 12h), l’activité soit la plus forte au moment où la partie centrale de la comète (le cou) est éclairé.
Toutes ces mesures seront probablement misent en perspectives dans les mois à venir alors que la comète, toujours suivie par Rosetta, continuera de se rapprocher du Soleil, dont elle sera au plus près (périhélie), au moins d’Août 2015.
Lors de l’arrivée de la sonde en orbite l’été dernier, puis en Novembre après l’atterrissage de Philae, les équipes de l’ESA avaient promis des données scientifiques, en quantité et en qualité. Il semble qu’aujourd’hui ces annonces se vérifient dans les faits et que les informations fournies par les 11 instruments de Rosetta et les 10 supplémentaires embarqués sur Philae nécessitent encore plusieurs années d’analyse par les différentes équipes scientifiques internationales.
En ce qui concerne Philae, Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES, a partagé quelques informations lors du derniers #CNEStalks que vous pouvez revoir ici. Une phase d’hibernation avait été prévue à la genèse de la mission, mais pas dans les conditions où se trouve le lander aujourd’hui, perdu quelque part sur la comète et avec peu d’ensoleillement. Sa localisation précise est pour l’heure impossible à établir, puisque seules les caméras embarquées sur Rosetta pourraient permettre de le repérer, or les équipes de l’ESOC (Centre Européen d’Opérations Spatiales), en charge du pilotage de la sonde, jouent la prudence en s’éloignant de la comète à mesure que l’activité de celle-ci augmente (dégazages). Bien qu’un survol en rase-motte (6 kilomètres) soit prévu pour le 14 Février, celui-ci ne devrait pas avoir pour objectif la recherche de Philae, sauf changement de dernière minute. Un premier signe de vie est néamoins attendu pour Mai, mais il faudra ensuite patienter jusqu’à l’arrivée près du périhélie pour que la température interne de Philae ainsi que la charge de ses batteries lui permettent de rallumer son transpondeur.
Francis Rocard a également expliqué que la théorie la plus probable selon lui serait que Chury soit en réalité une seule et même comète en train de se briser en deux. La fissure repérée sur les images d’OSIRIS et qui s’étend sur les régions Hapi et Anuket (dans le cou de la comète), pourrait être une des conséquences visible de ce phénomène. Un autre des effets visible serait un affaissement local du sol de la comète (comme on peut déjà le voir sur certaines images dans la galerie en bas de cet article) qui pourrait s’accentuer autour du périhélie. Il est en effet envisageable qu’une comète disparaisse des écrans radars après avoir perdu beaucoup de matière et s’être finalement fracturée. À l’approche du Soleil les mécanismes de dégazage s’amplifient, mais les comètes peuvent tout à fait effectuer de nombreux cycles avant d’être finalement détruites. L’hypothèse que cette révolution particulière de 67P autour de notre étoile soit sa dernière est donc assez peu probable, mais pas impossible !
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