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Technologie

Proba-3 : Deux satellites de l’ESA en vol en formation précis pour des éclipses solaires artificielles

L’Agence spatiale Européenne vient de lancer Proba-3, une nouvelle mission de démonstration technologique mais aussi scientifique pour l’étude du Soleil.

Proba-3 a pour but de démontrer le vol en formation précis avec deux satellites, et pour créer une éclipse artificielle du Soleil.

Les 2 satellites empilés de la mission Proba-3 : le satellite Occulter au-dessus du satellite Coronagraph, vus lors d’essais environnementaux à l’IABG en Allemagne (crédit ESA-S. Corvaja)

La 3e mission de la série des petits satellites PROBA, pour «  PRoject for OnBoard Autonomy « , a comme ses prédécesseures, l’objectif de tester des technologies spécifiques dans l’espace, contribuant ainsi à l’avancement des capacités technologiques spatiales de l’ESA.

Proba-1 est une mission d’observation de la Terre, lancée en 2001 et toujours en fonctionnement, dotée d’une autonomie embarquée avancée et comprenant un instrument hyperspectral novateur. Proba-2 lancée en 2009, se concentre sur l’observation du Soleil grâce à plus de 20 charges utiles technologiques et instruments scientifiques pour étudier le Soleil. Proba-V (pour Vegetation), lancé en 2012, comporte un imageur terrestre innovant, pour une cartographie mondiale multispectrale de la végétation.

Proba-3 va permettre de tester le vol en formation, afin de préparer les futures missions multisatellites volant comme une seule structure virtuelle. Les scientifiques veulent détecter des signaux de plus en plus faibles ou des lumières d’étoiles de magnitude de plus en plus faible. Un seul télescope spatial ne peut le faire car cela nécessite à ce jour des ouvertures plus grandes et des distances focales plus longues qui ne sont pas possibles avec les tailles de télescopes compatibles des lanceurs actuels. Le vol en formation de télescopes spatiaux peut rendre cela possible. L’ESA veut tester cette solution.

Proba-3 est aussi une mission scientifique pour l’étude du Soleil.

Proba-3 : 2 satellites pour créer une éclipse solaire artificielle de 6 heures

Proba-3 est en fait un duo de satellites : Coronagraph et Occulter. Occulter va occulter le disque solaire comme lors d’une éclipse solaire totale et Coronagraph observera la couronne solaire.

Le satellite Occulter en forme de disque de Proba-3, vu au premier plan, avec le satellite Coronagraph vu derrière lui, en cours d’essais avant vol chez Redwire en Belgique (crédit ESA – P. Sebirot).

L’étude de la couronne solaire est difficile depuis la Terre car les éclipses solaires totales, moment où la Lune couvre précisément le Soleil, révélant l’atmosphère externe du soleil, ne se produisent qu’environ tous les 18 mois et uniquement dans certaines régions, et seulement pendant quelques minutes. La couronne solaire est une région du Soleil qui a été très peu étudiée et dont les scientifiques ne comprennent pas vraiment son fonctionnement. La couronne solaire, est, contrairement aux lois de la physique, plus chaude d’environ 100 fois, que la surface du Soleil elle-même. Mieux comprendre le fonctionnement du Soleil, permet de mieux comprendre son impact sur la Terre et ce qu’on appelle la météo spatiale, dont la création des aurores boréales, mais surtout pour prédire les tempêtes géomagnétiques qui peuvent perturber les satellites et les infrastructures terrestres électriques.

Les 2 satellites vont s’aligner parfaitement pour produire l’effet d’éclipse solaire, ou l’effet coronographe dans l’espace pendant 6 heures toutes les 19 heures et 36 minutes.

  • Coronagraph : D’un poids de 300 kg, il abrite le principal instrument coronographe ASPIICS de la mission. Il est conçu pour pointer la même face vers le Soleil. Des LED clignotantes et un rétro-réflecteur pour lasers sont montés sur la face du Coronagraph pour aider à guider l’Occulter. Comme le Coronagraph sera souvent à l’ombre, il possède un seul panneau solaire monté sur le côté pour générer de l’énergie. Le Coronagraph est équipé de propulseurs pour effectuer des manœuvres d’une poussée de quelques Newton.
  • Occculter : De forme cubique et doté d’un disque de 140 cm de diamètre, il pèse environ 250 kg et volera toujours face au Soleil. Pour les opérations scientifiques de la mission, il projette une ombre contrôlée avec précision sur le Coronagraph. L’Occulter est chargé d’effectuer le contrôle de formation de haute précision à l’aide de propulseurs à gaz froid d’une poussée de quelques millinewtons. Le radiomètre DARA est monté sur le côté de l’Occulter orienté vers le Soleil.
Les systèmes principaux des 2 satellites (crédits ESA / traduction en français par Rêves d’espace)

3 instruments scientifiques à bord

Le coronographe de Proba-3 s’appelle ASPIICS pour Association of Spacecraft for Polarimetric and Imaging Investigation of the Corona of the Sun. L’instrument est constitué d’un grand disque occultant de 1,4 m de diamètre monté sur le vaisseau spatial Occulter, et d’un système de coronographe solaire de style Lyot porté par Coronagraph.

DARA (Davos Absolute Radiometer) est un radiomètre absolu permettant de mesurer l’irradiance solaire totale.

Le spectromètre 3DEES (3D Energetic Electron Spectrometer) est une démonstration technologique. Il a été développé comme un instrument de classe scientifique qui mesurera les spectres électroniques dans la ceinture de rayonnement terrestre.

Un vol en formation ultra-précis

Le lanceur PSLV-XL (Polar Satellite Launch Vehicle) a été choisi pour sa capacité à effectuer une insertion orbitale sur mesure pour Proba-3 [Ariane 6 était trop coûteuse et Vega C pas assez performante]. L’orbite visée était 600 x 60 530 km avec une inclinaison d’environ 59 degrés.

Décollage de la PSLV-XL le 5 décembre 2024 avec Proba-3 à bord (crédit ISRO)

Les 2 satellites seront positionnés sur une orbite hautement elliptique terrestre, atteignant jusqu’à 60 000 km de la Terre, les perturbations gravitationnelles et atmosphériques sont réduites à cet apogée, facilitant le vol en formation et optimisant les observations.

Les 2 satellites seront séparés l’un de l’autre après une première phase de mise en service commune. Ensuite, ils commenceront leur mise en service individuelle. Les 2 satellites Proba-3 effectueront une série de manœuvres pour se positionner sur des orbites relativement sûres l’une par rapport à l’autre. Une démonstration de manœuvre d’évitement des collisions sera effectuée afin de garantir que les 2 satellites pourront être laissés en toute sécurité sur une orbite sans risque de collision ou de fuite l’un de l’autre. Le duo de satellites sera alors prêt pour son premier vol en formation précise.

Illustration de l’orbite de Proba-3 (distances pas à l’échelle) (crédit ESA)

Le coût en carburant serait trop élevé pour maintenir la formation tout au long de l’orbite, de sorte que chaque orbite sera divisée entre six heures de manœuvres de vol en formation à l’apogée et le reste de l’orbite en dérive passive en toute sécurité. Les satellites Proba-3 démontreront à plusieurs reprises l’acquisition, le rendez-vous, les opérations de proximité, le vol en formation et les observations du coronographe.

Les satellites pourront manœuvrer eux-mêmes pour s’aligner sur le Soleil, Occulter projettera une ombre sur Coronagraph pour produire l’effet d’éclipse solaire. Si les deux ne sont pas parfaitement alignés, le disque brillant du Soleil ne sera pas caché.

Proba 3 est la toute première mission de vol en formation de précision : les deux satellites seront espacés d’environ 150 m dans l’espace lors des activités nominales. Les satellites sont placés à cette distance pour éviter le déversement d’une lumière parasite appelée diffraction sur le bord du coronographe et rendant difficile l’observation de la couronne solaire. En cas de risque de collision, les 2 satellites sont autonomes (tout se passera trop vite pour un contrôle humain). Les deux satellites utilisent des liaisons radio, des caméras et des lasers réfléchis pour déterminer leur position relative avec une précision d’un millimètre. Des tests de navigation avec une distance entre les 2 satellites entre 25 m et 250 m sont aussi prévus.

Test du système de capteur basé sur la vision de Proba-3, photographié ici en infrarouge pour montrer les lumières en jaune. Une caméra grand angle est utilisée pour suivre un motif LED sur l’autre satellite, fournissant des informations relativement grossières sur la distance des satellites les uns par rapport aux autres, ainsi que des informations supplémentaires sur leur attitude.
Ceci est complété par une caméra à angle étroit qui se verrouille sur un deuxième motif LED beaucoup plus petit, fournissant des informations de positionnement relatif jusqu’à une échelle d’environ un seul centimètre (crédit ESA-J. Versluys)

Proba-3 est un laboratoire spatial pour valider de nouvelles techniques de guidage, de navigation et de contrôle ainsi que d’autres algorithmes, tels que la navigation GPS relative, précédemment essayées dans des simulateurs au sol. Ces techniques et simulateurs développés dans le cadre de Proba-3 seront ensuite disponibles plus largement pour de futures missions. La mission validera également les technologies clés telles que les instruments de métrologie pour effectuer des vols en formation. La mission comprend également une expérience de rendez-vous pour tester des capteurs et des algorithmes pour des rendez-vous (coopératif et non coopératif) en orbite elliptique. Cette technologie pourrait être utilisée pour une future mission de retour d’échantillons sur Mars et pour la désorbitation des satellites depuis une orbite terrestre basse.

Proba-3 sera contrôlé depuis le centre de contrôle de la mission au Centre européen de sécurité et d’éducation spatiales (ESEC) à Redu en Belgique.

Proba-3 est un projet de 10 ans de développement avec l’espagnol Sener Aerospace en maître d’œuvre du système. D’autres entreprises européennes ont participé au projet : Redwire Space (avionique, assemblage et tests de satellites, opérations satellitaires), Airbus Defence and Space (thermo-mécanique et propulsion par satellite, tests environnementaux par satellite), GMV (algorithme et logiciel de vol de formation, système de dynamique de vol au sol), Spacebel (logiciel embarqué, système sol et simulation), le Centre Spatial de Liège (Instrument scientifique Coronagraph).

Après cinq ans de mission, les satellites entreront naturellement dans l’atmosphère terrestre sans laisser de débris spatiaux.

Sources : le média kit (en anglais) de Proba-3 + site ESA

Image de couverture : crédit ESA

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