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Actualités spatiales

Premières images du télescope européen Euclid : Un voyage à travers les galaxies et les étoiles de l’Univers profond

Le télescope spatial Euclid de l’Agence Spatiale Européenne, lancé en juillet 2023, a commencé sa mission scientifique « de routine » en février 2024. Pendant 6 ans, il doit observer des milliards de galaxies sur 10 milliards d’années d’histoire cosmique.

Cette illustration montre les zones qu’Euclid va couvrir pendant ses 6 ans de mission scientifique avec différentes nuances de gris/bleu sur une projection ovale du ciel nocturne. Il s’agit de la plus grande zone qu’elle puisse couvrir tout en évitant la luminosité de la Voie lactée (ligne lumineuse horizontale), de sa plus grande galaxie satellite (point lumineux en bas à droite) et de la poussière et des sources dans le plan de notre propre Système Solaire (ligne lumineuse diagonale). Une illustration d’artiste dEuclid est visible dans le coin inférieur droit (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium).

Euclid va effectuer des observations dans le visible et le proche infrarouge, en scannant plus d’un tiers du ciel et en se concentrant sur les sources extragalactiques. Le télescope va regarder une zone du ciel pendant environ 70 minutes et produire des images et des spectres, puis il faut 4 minutes pour se déplacer vers la zone suivante du ciel.

Illustration de comment Euclid parcourt le ciel nocturne à l’aide d’une méthode « step-and-stare » : chaque fois qu’Euclid « regarde », son télescope pointe vers une position dans le ciel, effectuant des images et des mesures spectroscopiques sur une zone d’environ 0,5 deg² autour de cette position. Après chaque visée, le télescope se déplace (ou ‘pas’) vers une nouvelle position » (crédit ESA)

Comme l’explique, la directrice de la Science de l’ESA, la professeure Carole Mundell :

La beauté d’Euclid, c’est qu’il couvre de grandes régions du ciel avec beaucoup de détails et de profondeur, et peut capturer dans la même image un large éventail d’objets différents, de peu lumineux à brillant, de lointain à proche, du plus massif des amas de galaxies aux petites planètes. Nous obtenons une vue à la fois très détaillée et très large. Cette polyvalence spectaculaire est à la source de nombreux nouveaux résultats scientifiques qui, combinés aux résultats des relevés effectués par Euclid au cours des prochaines années, vont modifier en profondeur notre compréhension de l’Univers. 

Détails de la mission et des instruments : Le télescope spatial Euclid à la recherche de la matière noire et de l’énergie sombre.

Des premières images scientifiques magnifiques

Moins d’un an après le lancement (juillet 2023), et 6 mois après les premières images, cinq images qui font partie des premières observations d’Euclid (Early Release Observations) ont été publiées le 23 mai, et elles sont fabuleuses !

Les images obtenues par Euclid sont au moins quatre fois plus nettes que celles fournies par les télescopes terrestres. Elles couvrent de grandes étendues du ciel avec une profondeur inégalée, regardant loin dans l’Univers en combinant lumières visible et infrarouge. Ces images, faites avec seulement 0,1% de son temps d’observation, montrent l’incroyable efficacité du combo grand champ et grande résolution.

L’amas de galaxies Abell 2390

L’amas de galaxies Abell 2390 révèle plus de 50 000 galaxies et est une belle illustration de l’effet de lentille gravitationnelle avec des arcs courbes géants sur le fond du ciel (certains sont en fait de multiples vues d’un même objet lointain).

Euclid utilisera ces effets de lentille (par lesquels la lumière qui nous vient des galaxies lointaines est courbée et déformée par la gravité) comme technique clé pour étudier l’Univers sombre, en mesurant indirectement la quantité et la distribution de matière sombre dans les amas de galaxies et ailleurs. Les scientifiques d’Euclid étudient également comment la masse et le nombre d’amas de galaxies ont changé au fil du temps, révélant ainsi davantage sur l’histoire et l’évolution de l’Univers.

(crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi)
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Messier 78

Messier 78, une pouponnière d’étoiles très lumineuse enveloppée de poussière interstellaire observée en profondeur par Euclid à l’aide de sa caméra infrarouge, exposant pour la première fois des régions cachées de formation d’étoiles, cartographiant ses filaments complexes de gaz et de poussière avec un niveau de détail sans précédent, et découvrant des étoiles et des planètes nouvellement formées.

Les instruments d’Euclid peuvent détecter des objets ayant seulement quelques fois la masse de Jupiter, et ses « yeux » infrarouges révèlent plus de 300 000 nouveaux objets rien que dans ce champ de vision. Les scientifiques utilisent ce jeu de données pour étudier la quantité et la fraction d’étoiles et d‘objets plus petits (substellaires) trouvés ici – des éléments clés pour comprendre la dynamique de la formation et de l’évolution des populations d’étoiles au fil du temps.

(crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi)
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NGC 6744

Sur cette image, Euclid met en scène NGC 6744, l’archétype du type de galaxies responsable de la formation de la plupart des étoiles dans l’Univers proche. Le grand champ de vision d’Euclid couvre l’ensemble de la galaxie, capturant non seulement la structure spirale à plus grande échelle, mais aussi des détails exquis à de petites échelles spatiales. Cela inclut des bandes de poussière ressemblant à des plumes qui émergent sous forme « d’éperons » des bras spiraux, montrées ici avec une clarté incroyable. Les scientifiques utilisent ce jeu de données pour comprendre comment la poussière et le gaz sont liés à la formation des étoiles ; cartographier comment différentes populations d’étoiles sont réparties à travers les galaxies et où les étoiles se forment actuellement ; et démêler la physique à l’origine de la structure des galaxies spirales, qui n’est toujours pas totalement comprise après des décennies d’études.

(crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi)
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Abell 2764 (et étoile brillante)

Cette vue montre l’amas de galaxies Abell 2764 (en haut à droite), qui comprend des centaines de galaxies au sein d’un vaste halo galactique de matière sombre. Euclid capture de nombreux objets dans cette zone du ciel, y compris des galaxies en arrière-plan, des amas plus lointains et des galaxies en interaction projetant des traînées et des coquilles d’étoiles. Cette vue complète d’Abell 2764 et de ses environs, obtenue grâce à l’impressionnante étendue du champ de vision d’Euclid, permet aux scientifiques de déterminer le rayon de l’amas et de voir sa périphérie avec des galaxies lointaines encore dans le cadre.
On voit aussi ici au premier plan une étoile très brillante qui se trouve au sein de notre propre galaxie (V*BP-Phoenicis/ HD 1973, une étoile de l’hémisphère sud presque assez brillante pour être vue par l’œil humain). Lorsque nous regardons une étoile à travers un télescope, sa lumière est diffusée vers l’extérieur dans un halo circulaire étendu en raison de l’optique du télescope. Euclid a été conçu pour rendre la plus faible possible cette diffusion. L’étoile provoque ainsi peu de perturbations, ce qui permet de capturer des galaxies lointaines faibles à proximité sans être aveuglé par la luminosité de l’étoile.

(crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi)
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Groupe de la Dorade

Euclid photographie des galaxies évoluant et fusionnant dans le groupe de galaxies de la Dorade.

Les scientifiques utilisent ce jeu de données pour étudier l’évolution des galaxies, améliorer nos modèles d’histoire cosmique et comprendre comment les galaxies se forment au sein des halos de matière sombre. Cette image met en valeur la polyvalence d’Euclid : un large éventail de galaxies est visible ici, de très brillantes à très faibles. Grâce à la combinaison unique d’un grand champ de vision, d’une profondeur de champ remarquable et d’une haute résolution spatiale, Euclid peut capturer des objets minuscules (amas d’étoiles), plus larges (noyaux de galaxies) et étendus (queues de marée) le tout dans une seule image. Les scientifiques recherchent également des amas d’étoiles individuels distants connus sous le nom d’amas globulaires pour retracer leur histoire et leur dynamique galactiques.

(crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi)
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Ces images accompagnent les premières données scientifiques de la mission, également rendues publiques aujourd’hui, et plusieurs articles scientifiques en cours de parution [liens vers ces articles sur Euclid Consortium]

Ces premières observations visaient 17 objets astronomiques, allant de nuages de gaz et de poussière proches à de lointains amas de galaxies, et les résultats. Et au-delà de la recherche de la matière noire et de l’énergie sombre, Euclid pourrait aider à la recherche d’exoplanètes, l’étude du halo stellaire de la Voie Lactée, la détection d’étoiles naines ultra-froides ou de petits objets du Système Solaire.

Le plan rapproché d’Abell 2390 par Euclid montre la lumière qui émerge de l’amas, émise par des étoiles qui ont été arrachées à leurs galaxies et qui se retrouvent dans l’espace intergalactique. Détecter cette « lumière intra-amas » est une spécialité d’Euclid, et ces orphelins stellaires nous permettront peut-être de « voir » où se trouve la matière sombre (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi).

Voici quelques résultats notables :

  • Découvertes de 600 galaxies naines dans l’amas de galaxies de Persée
  • Découverte de nouvelles galaxies très lointaines (z=6-8)
  • De nouveaux candidats de planètes errantes dans la nébuleuse de la Tête de cheval
  • Cartographie précise de la matière ordinaire et de la matière noire au sein des amas de galaxies Abell 2390 et 2764

Pour Valeria Pettorino, scientifique du projet Euclid de l’ESA :

Les images et les découvertes scientifiques associées sont incroyablement diverses en termes d’objets et de distances observées. Elles permettent une variété d’applications scientifiques, et ne représentent pourtant que 24 heures d’observations. Il ne s’agit que d’un aperçu de ce dont Euclid est capable. Nous avons hâte de découvrir les données des six prochaines années !.

Ce télescope spatial entend s’attaquer aux plus grandes questions ouvertes de la cosmologie, et ces premières observations démontrent clairement qu’Euclid est plus qu’à la hauteur de cette tâche.

Les premières mesures contrariées par de la lumière parasite et de la glace d’eau

Peu après le lancement, des perturbations ont été détectées dans les images de test de l’instrument VIS. Lors des investigations, les équipes scientifiques, techniques et industrielles ont découvert que cela provenait d’une quantité infime de lumière solaire indésirable ou « stray light » qui atteignait VIS. Cela induisait que pour la faire disparaître, il fallait orienter le satellite par rapport au Soleil de façon différente à ce qu’il était prévu à la conception.

Il a fallu au final changer le contrôle d’attitude du satellite pour minimiser cette « stray light » : le pare-soleil ne sera pas directement face au Soleil, mais avec une petite inclinaison, et Euclid observera avec un angle de rotation plus restreint. Pour éviter du coup d’avoir des parties du ciel non atteignables depuis l’orbite en L2, il faut désormais plus de chevauchements entre les zones observées. Ce sera un peu moins efficace en termes de temps d’observation net mais l’objectif d’observer plus d’un tiers du ciel est conservé.

Les télescopes spatiaux connaissent souvent en début de mission des soucis de givre. Les sondes soumises au froid spatial voient l’air terrestre emprisonné dans les matériaux à bord se libérer progressivement dans le vide spatial. Cet air contient des molécules d’eau qui ont la fâcheuse tendance à aller vers les parties les plus froides des télescopes, à savoir les miroirs et les détecteurs.

Lors des calibrations des instruments avant le début des opérations scientifiques, les équipes de la mission Euclid ont pu observer une diminution faible et progressive de la quantité de lumière mesurée depuis des étoiles observées à plusieurs reprises par l’instrument VIS, malgré la campagne de « dégazage » effectuée peu après le lancement. Cette activité tend à faire « dégazer » l’air piégé dans le satellite au plus tôt dans sa vie opérationnelle et avant la calibration de tous les instruments, en faisant chauffer lentement sur plusieurs jours le télescope par le système de contrôle thermique actif ou en l’exposant partiellement au Soleil. Mais sur Euclid cela n’a pas suffi. Il a été estimé qu’environ une couche de quelques nanomètres de glace s’est accumulée sur les optiques.

Euclid étant un télescope très sensible aux variations de températures, il n’était pas envisageable de refaire cette procédure de dégazage sans perdre les alignements fins faits sur les 2 instruments optiques VIS et NISP lors de la phase de calibration qui a duré près de 6 mois (une variation d’un degré entraînerait des semaines de recalibrage fin – les contraintes de stabilité thermo-optique sont abordées dans la vidéo ci-dessous).

Une nouvelle procédure de réchauffage des optiques a alors été développée puis utilisée par les équipes de la mission à travers l’Europe : chauffage du miroir le plus froid qui est passé de -147°C à -113°C. Il n’a pas été nécessaire d’aller plus loin dans la procédure, la glace s’étant évaporée presque immédiatement, les équipes observant rapidement 15% de lumière en plus.

Ce graphique montre l’impact d’une des premières opérations de chauffage. Il montre le pourcentage de lumière recueillie par l’instrument VIS d’Euclid lors du chauffage d’un miroir. Après environ 90 minutes, la température de sublimation de la glace a été atteinte (la température à laquelle la glace peut se transformer directement en vapeur d’eau dans le vide de l’espace). À partir de cette température, la libération de glace s’est déroulée rapidement et la couche a été essentiellement retirée après 19 minutes supplémentaires, lorsque le miroir a atteint une température de –117 °C (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium)

Les équipes vont évidemment surveiller les optiques et les baisses de la vision du télescope et appliquer à nouveau cette procédure de réchauffage si besoin.

“Nous nous attendons à ce que la glace obscurcisse à nouveau la vision de l’instrument VIS à l’avenir. Mais il sera simple de répéter cette procédure de décontamination sélective tous les six à douze mois et avec très peu de coûts pour les observations scientifiques ou le reste de la mission.” a déclaré Mischa Schirmer, scientifique de la calibration pour le Consortium Euclid.

Bonus : Quels sont les éléments clés du télescope ?

Réponse en images avec Laurent Brouard, chef de projet de la partie charge utile d’Euclid.

Source de l’article : site ESA

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