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Astronomie

Le télescope européen Euclid dévoile quelques résultats préliminaires de ses observations les champs profonds

L’observatoire spatial européen Euclid, en opération scientifique depuis le 14 février 2024, vient de dévoiler sa première publication de données scientifiques, marquant une étape importante dans l’exploration de l’Univers. Cette publication, appelée « Quick-release 1 » (Q1), comprend plus de 30 articles scientifiques basés sur les observations initiales du télescope dans 3 champs de vue.

Les 3 champs d’observation de Q1 et la Lune pour échelle (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselmi).

Le relevé spatial de cette publication Q1 couvre 63 degrés carrés du ciel (l’équivalent de plus de 300 fois la surface de la pleine lune). Cela représente seulement 0,45% de la couverture totale du ciel attendue après 6 ans d’activités, environ 14 000 degrés carrés, soit un tiers de la voûte céleste.

Ce graphique montre l’emplacement des champs profonds d’Euclid en jaune en superposition de la carte stellaire du télescope Gaia et de la carte des poussières de Planck de 2014. Le ciel est représenté dans le système de coordonnées galactiques, avec la bande horizontale brillante correspondant au plan de notre galaxie, la Voie lactée, où résident la plupart de ses étoiles (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA ; ESA/Gaia/DPAC ; ESA/Planck Collaboration)

Trois zones dans le ciel font l’objet des observations les plus approfondies de la mission d’Euclid. Elles sont appelées Deep Field North, South et Fornax. En seulement une semaine d’observations, avec un balayage de chaque région jusqu’à présent, Euclid a déjà repéré 26 millions de galaxies. Les plus éloignées se trouvent à 10,5 milliards d’années-lumière. Au cours des prochaines années, Euclid passera au-dessus de ces 3 régions des dizaines de fois, ce qui rendra ces champs réellement « profonds » d’ici la fin de la mission nominale en 2030.

Cette animation montre l’emplacement des champs dans le ciel qui seront couverts par les relevés larges (bleus) et profonds (jaunes) d’Euclid au cours des six prochaines années. Le ciel est représenté dans le système de coordonnées galactiques, avec la bande horizontale brillante correspondant au plan de notre galaxie, la Voie lactée, où résident la plupart de ses étoiles (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA/Planck Collaboration/A. Mellinger).

Cette première livraison de données Q1, représentatives de celles utiles aux analyses cosmologiques, constitue une étape majeure pour vérifier le potentiel scientifique de la mission. La qualité des observations permet déjà des analyses statistiques sur la morphologie des galaxies et leurs sous-structures comme les amas globulaires.

Les 34 premiers articles scientifiques, en cours de soumission d’examens par les pairs à travers la revue Astronomy & Astrophysics, révèlent plusieurs découvertes :

  • Détection de planètes errantes nouvellement formées
  • Détection de milliers de quasars avec une précision spatiale jusqu’ici inégalée
  • Observation de la population d’amas globulaires autour des galaxies voisines
  • Détermination du rôle des filaments cosmiques dans l’orientation des galaxies selon leur type, et premiers pas vers une classification plus précise des types morphologiques de galaxies
  • Identification de dizaines de galaxies massives datant d’une époque où l’Univers n’avait que 5% de son âge actuel
  • Découvertes de milliers de galaxies naines, de phénomènes transitoires jusqu’ici sans hôte, ou encore de « petits points rouges », ces mystérieux objets observés pour la première fois par le télescope James Webb (JWST) en 2022 seulement, et dont nous ne savons globalement rien.
Cette image montre une zone du Deep Field South d’Euclid. La zone est zoomée en 16 fois par rapport à la grande mosaïque.
De nombreuses galaxies sont visibles dans ce champ, toutes avec des formes et des couleurs différentes car elles ont des âges et des distances différents (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselmi). Lien vers l’image pour zoomer
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L’objectif principal d’Euclid est de percer le mystère de la matière noire et la nature de l’énergie sombre [lire cet article]. En mesurant avec une précision inégalée la forme et la distribution de ces galaxies dans la toile cosmique, les scientifiques pourront comprendre comment l’énergie noire a influencé l’accélération de l’expansion de l’Univers. Cette même précision permettra également de déterminer comment la matière noire a façonné la formation des grandes structures cosmiques.

380 000 galaxies cataloguées et triées

Euclid capture jusqu’à 100 Go de données par jour. Le consortium qui regroupe plus de 2 000 scientifiques européens et partenaires est aidé par des centres de calcul performants et des algorithmes d’apprentissage. Ils ont aussi été aidés par la participation collaborative citoyenne sur la plateforme Zooniverse avec le projet Galaxy Zoo. Il en est sorti le premier catalogue détaillé de plus de 380 000 galaxies, qui ont été classées selon des caractéristiques telles que les bras spiraux, les barres centrales et les queues de marée (vestiges de collisions galactiques) qui montrent les galaxies en coalescence.

Cette image montre des exemples de galaxies de différentes formes, toutes capturées par Euclid lors de ses premières observations des zones de camps profonds. Dans le cadre de la publication des données, un catalogue détaillé de plus de 380 000 galaxies a été publié, classées selon des caractéristiques telles que les bras spiraux, les barres centrales et les queues de marée qui déduisent des galaxies en fusion. Par exemple, la première colonne montre cinq galaxies frontales, qui semblent fines comme un crayon. Les galaxies de la deuxième colonne ont une apparence plus floue et diffuse. Les colonnes du milieu présentent des galaxies spirales face visible avec de nombreuses formes et densités d’étoiles différentes. Les deux dernières colonnes comprennent des galaxies ou des galaxies en interaction avec un bras spiral ou une queue de marée inhabituels (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by M. Walmsley, M. Huertas-Company, J.-C. Cuillandre). Lien vers l’image pour zoomer.

500 lentilles gravitationnelles fortes découvertes

La lumière voyageant vers nous depuis les galaxies lointaines est courbée et déformée par la matière normale et sombre qu’elle traverse. Cet effet est appelé lentille gravitationnelle et c’est l’un des outils qu’utilise Euclid pour révéler comment la matière noire est distribuée à travers l’Univers. Lorsque les distorsions sont très apparentes, il est connu sous le nom de « lentille forte », ce qui peut entraîner des caractéristiques telles que des anneaux d’Einstein, des arcs et de multiples lentilles observées.

500 lentilles gravitationnelles « fortes » possibles, dont la quasi-totalité était jusqu’alors inconnue, ont été détectées et permettent déjà d’élaborer des hypothèses sur l’organisation à grande échelle des galaxies, comment ces galaxies se sont formées et ont évolué au fil du temps.

Cette image montre des exemples de lentilles gravitationnelles capturées par Euclid lors de ses premières observations des zones de champ profond (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by M. Walmsley, M. Huertas-Company, J.-C. Cuillandre). Lien vers l’image pour zoomer.

Euclid avait découvert précédemment un anneau d’Einstein exceptionnel dans une galaxie relativement proche, NGC 6505, située à environ 590 millions d’années-lumière de la Terre. L’anneau est formé par la lumière d’une galaxie d’arrière-plan plus lointaine, à 4,42 milliards d’années-lumière, qui est déformée par la gravité de NGC 6505.

L’anneau de lumière entourant le centre de la galaxie NGC 6505, capturé par le télescope Euclid de l’ESA, est un exemple étonnant d’anneau d’Einstein. NGC 6505 agit comme une lentille gravitationnelle, courbant la lumière d’une galaxie loin derrière elle. L’alignement presque parfait de NGC 6505 et de la galaxie d’arrière-plan a courbé et agrandi la lumière de la galaxie d’arrière-plan en un anneau spectaculaire. Ce phénomène rare a été théorisé pour la première fois par Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Ce large champ montre le halo stellaire étendu de NGC 6505 et présente l’anneau d’Einstein, entouré d’étoiles colorées du premier plan et de galaxies d’arrière-plan (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, G. Anselmi, T. Li)
Vue rapprochée du centre de la galaxie NGC 6505, avec le brillant anneau d’Einstein autour de son noyau. NGC 6505 est une galaxie bien connue située à seulement environ 590 millions d’années-lumière de la Terre, et la découverte par Euclid d’un anneau d’Einstein spectaculaire ici était inattendue (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, G. Anselmi, T. Li)

Les anneaux d’Einstein sont des exemples de lentilles gravitationnelles fortes, qui peuvent être utilisées pour étudier l’expansion de l’univers, détecter les effets de la matière noire et de l’énergie noire, et étudier les sources d’arrière-plan dont la lumière est déformée.

Explication d’un anneau d’Einstein : Lorsque nous observons une galaxie lointaine avec un télescope, sa lumière peut rencontrer une autre galaxie en route vers lui. La galaxie du premier plan agit comme une lentille grossissante, courbant les rayons lumineux itinérants en raison de sa gravité. C’est ce qu’on appelle la lentille gravitationnelle. Si la galaxie d’arrière-plan, la galaxie lentille et le télescope sont parfaitement alignés, l’image apparaît comme un anneau – appelé anneau d’Einstein. Einstein a théorisé pour la première fois que les anneaux d’Einstein existaient dans sa théorie de la relativité générale (crédit ESA)

Il est attendu qu’Euclid observe quelques 7 000 lentilles gravitationnelles candidates dans la publication majeure de données cosmologiques prévue fin 2026, et de l’ordre de 100 000 lentilles fortes d’ici la fin de la mission, soit environ 100 fois plus qu’actuellement connu.

Les 3 Deep Fields en détails

Après une seule observation, le télescope spatial a déjà repéré plus de dix millions de galaxies dans le Deep Field North. Il est également très riche en étoiles de la Voie lactée, car il est proche du plan galactique. Dans les prochaines années, Euclid fera 32 observations de ce champ pour atteindre sa pleine profondeur. Sous le centre-gauche de l’image se trouve la nébuleuse de l’Œil de Chat, à environ 3 000 années-lumière. Également connue sous le nom de NGC 6543, cette nébuleuse est un enregistrement visuel ‘fossile’ de la dynamique et de l’évolution tardive d’une étoile mourante. Cette étoile mourante perd ses coquilles extérieures colorées. Un peu plus haut à droite du centre de l’image, un grand groupe de galaxies peut être repéré, dominé par la grande galaxie NGC 6505. Cette galaxie héberge le premier anneau d’Einstein découvert par Euclid et est située à 590 millions d’années-lumière. Les faibles structures bleues de l’image sont des nuages sombres entre les étoiles de notre propre galaxie. Il s’agit d’un mélange de gaz et de poussière, également appelé ‘cirrus’ galactiques car ils ressemblent à des cirrus. Euclid est capable de voir ces nuages avec sa caméra à lumière visible très sensible car ils réfléchissent la lumière optique de la Voie Lactée. Le Deep Field North d’Euclid a une superficie de 22,9 degrés carrés et est situé tout près du pôle nord de l’écliptique, dans la constellation du Dragon (Draco). La proximité du pôle écliptique assure une couverture maximale tout au long de l’année ; la position exacte a été choisie pour obtenir un chevauchement maximal avec l’un des champs profonds étudiés par le télescope spatial Spitzer en infrarouge de la NASA.

Le Deep Field North ou « champ profond nord » d’Euclid (crrédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselmi)

Le Deep Field Fornax d’Euclid contient près de 4,5 millions de galaxies. Dans les prochaines années, Euclid fera 52 observations de ce champ pour atteindre sa pleine profondeur. Le Deep Field Fornax d’Euclid s’étend sur 12,1 degrés carrés et est situé dans la constellation sud de Fornax (la fournaise). Il englobe le Chandra Deep Field South, beaucoup plus petit, une région du ciel de 0,11 degré carré qui a été largement étudiée au cours des deux dernières décennies avec le télescope Chandra de la NASA et les observatoires à rayons X XMM-Newton de l’ESA, ainsi que le télescope spatial Hubble de NASA/ESA et les principaux télescopes sur Terre.

Le Deep Field Fornax d’Euclid (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselmi)

Après une seule observation, le télescope spatial Euclid a déjà repéré plus de 11 millions de galaxies dans le Deep Field South. Dans les années à venir, Euclid fera davantage d’observations sur ce domaine pour atteindre toute sa profondeur. En regardant l’image, on peut voir un aperçu de la structure à grande échelle de l’Univers. C’est l’organisation des galaxies le long du soi-disant « réseau cosmique ». Cette toile est constituée d’énormes amas de galaxies reliées les unes aux autres par des brins de gaz et de matière noire invisible. Le Deep Field South d’Euclid couvre 28,1 degrés carrés dans la constellation méridionale de l’Horologium (constellation de l’horloge). Ce domaine n’a été couvert à ce jour par aucune étude du ciel profond et présente donc un énorme potentiel de découvertes nouvelles.

Le Deep Field South d’Euclid (crédits ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselmi)

Pour « se promener » dans les 3 zones de champs profonds et découvrir certaines caractéristiques :

Sources principales : ESA et CNRS

Image de couverture : le Deep Field South zoomé à x70 (crédit ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre, E. Bertin, G. Anselm).

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