Le satellite Biomass dévoile ses premières images des forêts de la planète
L’Agence Spatiale Européenne (ESA) a révélé le 23 juin les toutes premières images issues de la mission Biomass, lancée il y a 2 mois. Cette mission a pour objectifs de mieux comprendre l’évolution des forêts de la Terre et de leur rôle clé dans le cycle mondial du carbone.
Ces premiers clichés de Biomass montrent déjà un « potentiel inédit pour explorer certains des environnements les plus extrêmes de notre planète » selon le communiqué de l’ESA.

Une technologie qui « voit » au cœur des forêts
Contrairement aux satellites optiques traditionnels, Biomass est équipé d’un radar à synthèse d’ouverture (Synthetic Aperture Radar, ou SAR) en bande P, capable de pénétrer la canopée des forêts. Il peut ainsi mesurer la biomasse ligneuse, troncs, branches et tiges, qui constitue le principal réservoir de carbone des écosystèmes forestiers. Cette capacité unique permettra, pour la première fois, d’estimer avec précision la quantité de carbone stockée dans les forêts à l’échelle mondiale.
La mission en détail dans mon précédent article :

L’ouverture synthétique de Biomass fonctionne en continu en mode d’imagerie entièrement polarimétrique, capturant les quatre combinaisons de polarisation linéaire : HH (émission horizontale, réception horizontale), VV (émission verticale, réception verticale), HV (émission horizontale, réception verticale) ou VH (l’inverse de HV).

Les images résultantes sont affichées à l’aide d’une décomposition de Pauli au format RVB (Rouge, Vert, Bleu), où différents mécanismes de diffusion sont représentés par des couleurs spécifiques : le bleu correspond à la diffusion de surface à rebond unique, le rouge à la diffusion à double rebond et le vert aux interactions à rebond multiple, qui indiquent une diffusion volumique dans la canopée forestière.

Bien que la mission soit encore en phase de réglage et de calibration, et que les premières données ne peuvent pas encore être utilisées pour quantifier le carbone, les premières images sont déjà impressionnantes.
Des images spectaculaires et riches en informations
La déforestation en Bolivie
Parmi les premiers clichés dévoilés, on retrouve une vue impressionnante de la Bolivie, un pays durement touché par la déforestation, principalement due à l’expansion agricole. Grâce à la palette de couleurs issue des différentes polarités du radar, chaque nuance révèle un aspect du paysage : le vert pour la forêt dense, le rouge pour les zones humides et les plaines inondables boisées, le bleu-violet pour les prairies, et le noir pour les rivières et les lacs. On y distingue notamment le fleuve Beni, serpentant librement à travers la forêt.
Une comparaison avec une image prise par le satellite optique Sentinel-2 illustre la puissance de Biomass : alors que Sentinel-2 ne capte que la surface de la canopée, Biomass révèle toute la structure interne de la forêt, essentielle pour quantifier le carbone stocké.

Amazonie brésilienne : au cœur de la forêt
La toute première acquisition du satellite Biomass montre la forêt amazonienne au nord du Brésil. Les teintes roses et rouges signalent la présence de zones humides, tandis que le vert intense indique une forêt dense et continue.

Indonésie : volcans et forêts tropicales
Biomass a également observé la forêt tropicale de l’île d’Halmahera, en Indonésie, une région montagneuse d’origine volcanique. L’image met en évidence la capacité du radar à révéler à la fois la végétation et le relief sous-jacent, même dans des zones difficiles d’accès.

Gabon : la forêt africaine sous un nouveau jour
Au Gabon, on distingue nettement le fleuve Ivindo, vital pour la forêt équatoriale. L’image, dominée par le vert, illustre la densité de la forêt et la capacité du radar à « voir » à travers la canopée jusqu’au sol.

Explorer au-delà des forêts : déserts et pôles
Comme objectifs secondaires, le radar de Biomass peut aussi pénétrer jusqu’à cinq mètres sous le sable sec, comme le désert du Sahara sur cette image. Ainsi, il révèle d’anciens lits de rivières.

La grande longueur d’onde de la bande P signifie qu’elle peut également pénétrer profondément dans la glace et est donc moins affectée par la fonte et les chutes de neige à la surface de la glace, ce qui peut fausser les mesures depuis l’espace. Biomass devrait mesurer les vitesses des glaciers et des calottes glaciaires dans les régions où les conditions de glace de surface sont trop variables pour que les radars à synthèse d’ouverture de longueur d’onde plus courte puissent fournir des informations précises.

Un bond en avant pour la science du climat
Avec Biomass, la science dispose désormais d’un outil sans équivalent pour surveiller l’évolution des forêts mondiales, mesurer leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, et explorer des environnements jusqu’ici inaccessibles. Ces premières images ne sont qu’un avant-goût des découvertes à venir, et elles ouvrent déjà une nouvelle ère pour la compréhension et la préservation de notre planète.
Source principale : site ESA
