Le Docking de l’ATV à l’ISS : des femmes et des hommes aux commandes
Le samedi 15 juin à 16h07, le quatrième cargo européen ATV s’est amarré à l’ISS. J’ai eu la chance de vivre les dernières étapes depuis le CNES qui avait invité quelques blogueurs.
Arrivée au Centre de Contrôle de l’ATV au CNES à Toulouse :
Le Centre de Contrôle de l’ATV (ATV-CC) est en charge du suivi de l’ATV depuis son largage par ARIANE 5 le jour du tir (pour l’ATV4, c’était le 5 juin), jusqu’à sa désorbitation dans l’atmosphère terrestre. A partir du tir, l’ATV-CC est en liaison permanente avec le Centre de Contrôle russe à Moscou, le Centre de contrôle américain à Houston et l’ISS.
A moins de 2h de l’arrimage, tous les opérateurs de l’ATV-CC sont en place depuis le matin : soit un équipe d’une trentaine de personnes.
Depuis le tir, ce sont près d’une centaine de personnes qui se relaient 24h/24h pour mener à bien les différentes opérations de l’ATV : mise en route après le tir, vérification des panneaux solaires, la phase de vol libre pour s’approcher de l’ISS, l’amarrage, l’ouverture de l’ATV sur l’ISS, les remontées d’orbite de l’ISS grâce à l’ATV, le désamarrage, et la désorbitation.
Le docking de l’ATV ne se fait pas « d’une seule traite ». Au moment du tir, l’ATV est largué par ARIANE5 à environ 200 km d’altitude en-dessous de l’ISS. Il faut alors remonter son altitude à l’aide des ergols embarqués à bord de l’ATV et des 32 tuyères qui l’équipent, c’est le « vol libre ». Pendant cette phase, c’est 6 personnes à poste permanent 24/7 : 1 directeur de vol, 1 Interface Officer, 2 Space Commander (SpaCom), 1 ingénieur de bord, 1 « ground system » pour vérifier que le centre de contrôle fonctionne correctement.
Avant de faire le « vrai » docking, les personnes de l’ATV-CC ont répété plus d’une vingtaine de scénarios de pannes pendant 50 jours de simulation sur 4 mois.
Le jour de l’amarrage, ils suivent plus de 300 pages du « join flight rules ».
On parle d’amarrage (docking) pour l’ATV, car comme pour les vaisseaux russes PROGRESS et SOYOUZ, il s’agit de se fixer au module russe Zvezda de l’ISS.
Pour les modules DRAGON, HTV et CYGNUS (à venir), on parle d’accostage (berthing) car ils se positionnent à 10m de l’ISS et ensuite c’est le bras (Canardam) de la Station qui les fixent à l’ISS.
Puis il y a différents points de contrôle « S » (Stop Point) afin de vérifier le bon fonctionnement de l’ATV, notamment sa bonne stabilité.
A chaque « S », l’ATV attend le GO du Centre de Contrôle pour passer à l’étape suivante.
Il faut 3 secondes pour que la télécommande (TC) envoyée par l’ATV-CC arrive à l’ATV: c’est l’opérateur « SpaCom » qui envoie la TC relayée par le centre de contrôle Columbus en Allemagne, qui arrive ensuite à Houston, puis aux antennes de White Sands, puis aux satellites TDRS à 36000km d’altitude, et enfin à l’ATV.
Au début du voyage de l’ATV, celui-ci se fait selon une navigation au GPS relatif avec la position de l’ISS. En S3, à moins d’1h du docking, la navigation passe alors via des senseurs optiques. [Cette technologie est tout à fait adaptée à des mission extra-planétaires, l’avenir de l’ATV ?]
Le module russe Zvezda est pourvu d’un radar et d’une caméra « noir et blanc » (suffisant pour le besoin) qui permet de voir l’arrivée de l’ATV. Il y a aussi le GPS de l’ISS. Les 2 vaisseaux se déplacent tous deux à plus de 28 000 km/h. Le docking se fait quant à lui à 7 cm/s.
A S3, pour l’ATV4, des vérifications complémentaires sur les cibles de visée fixées à l’ATV ont été réalisées. Suite au non déploiement d’une antenne du système de navigation sur le module Progress M-19M, le 24 avril, il y avait le risque que cette antenne ait pu endommager l’une des cibles servant à l’approche finale de l’ATV. Heureusement toutes les cibles étaient intactes.
Ces vérifications ont entraînées alors un retard dans l’amarrage de 20 minutes, car c’est le délai minimum pour remettre en configuration nominale les systèmes à bord de l’ATV.
Pendant les dernières phases, les astronautes à bord de l’ISS surveillent également si tout se passe bien. Jusqu’à une distance de 1m, ils peuvent annuler l’amarrage et faire dévier l’ISS. Ensuite, il est plus risqué de faire un évitement que de procéder au docking.
A 16h07, l’amarrage est confirmé !
Nous pouvons allons célébrer cet événement avec les membres de l’ATV-CC et leur poser quelques questions.
3 jours après le docking, les astronautes ont ouverts l’écoutille de l’ATV. Ils ont vérifié au préalable l’air à l’intérieur de l’ATV qui ne doit pas contaminer celui de l’ISS. Les personnes de l’ATV-CC sont toujours présents pour vérifier que tout se passe bien.
[vidéo première rentrée dans l’ATV]
Les astronautes ont alors commencé à débarquer les 141 sacs contenant plus de 1400 produits, dont des lasagnes, du tiramisu et du parmesan pour l’astronaute italien Luca Parmitano, mais également de l’eau fraiche.
L’ATV-4 restera amarré à l’ISS jusqu’au 28 octobre. Après avoir été rempli de sacs de déchets, il se désolidarisera de la station avant d’être précipité dans l’atmosphère au dessus du Pacifique sud pour s’y désintégrer.
Je remercie :
Annick Sylvestre-Baron qui a été notre guide pendant cet après-midi à l’ATV-CC et Laura Ribes-Leal qui a été notre correspondante blog au CNES.
Pierre Chauchat, Room Controler, en charge des liaison sol/bord lors du docking pour avoir répondu à nos questions. Pierre a participé aux dockings de tous les ATV.
Patrice Bennaroche, le chef de projet opération ATV, et Isabelle Escane, flight director, qui nous ont donné plein de détails sur les phases d’amarrage, sans qui cet article serait bien vide.