L’Inde prépare ses premiers astronautes et les vols habités
L’Inde est une puissance spatiale dont on ne parle pas trop. Le pays le 2e plus peuplé du monde a surtout axé son programme spatial sur les applications vers sa population (télécommunications, observation de la Terre pour l’agriculture ou la prévention des catastrophes, ou système de navigation local) ou des missions scientifiques de prestige vers Mars (Mangalayaan) ou la Lune (Chandrayaan).
Même si au premier semestre 2020 l’Inde n’a effectué aucun lancement spatial, notamment en raison du Covid-19, l’agence spatiale indienne prépare les vols habités.
Projet Gaganyaan
En 2018, le premier ministre indien Narendra Modi annonce l’augmentation du budget de l’agence spatiale indienne, l’ISRO, pour une nouvelle étape majeure du programme spatial indien : les vols habités.
Pour réaliser cette ambition et devenir le 4e pays à envoyer des Humains dans l’espace par ses propres moyens, l’Inde lance le programme Gaganyaan (vaisseau du ciel en sanskrit).
Le gouvernement s’attend à ce que Gaganyaan crée à lui seul au moins 15000 emplois, pour la plupart dans le secteur privé, dans la fabrication du matériel, le développement des instruments scientifiques, la préparation de l’équipage et l’organisation de leur logistique.
Le pays espère également que beaucoup de technologies dérivées de ce programme spatial émergeront, qui auront des applications pratiques au quotidien pour le peuple indien.
Un vaisseau indien en préparation
Pour effectuer un vol habité autonome, il faut un vaisseau, une logistique, une infrastructure au sol et un lanceur. Et l’Inde s’y prépare depuis des années.
En janvier 2007, une capsule spatiale expérimentale SRE-1 (Space Capsule Recovery Experiment) de 550 kg est envoyée dans l’espace, effectue des orbites polaires, puis amerrit avec succès. Pendant les 12 jours en orbite, 2 expériences en micro-gravité ont été effectuées.
Cet essai aurait permis de définir les bases de la conception du vaisseau habité.
Le 18 décembre 2014, l’ISRO réussit le test d’un système de rentrée atmosphérique de module d’équipage avec CARE (Crew module Atmospheric Reentry Experiment), une capsule de 3 800 kg, envoyée par le premier lancement suborbital de son lanceur lourd GSLV-Mk III. Cela permet à l’ISRO de tester également la logistique de récupération de la capsule.
En juillet 2018, l’ISRO a franchi une nouvelle étape en testant avec succès son système d’évacuation d’une capsule, ou Pad abort test, afin que les astronautes puissent être évacués en toute sécurité en cas de problème lors du lancement.
En janvier 2019, l’Inde présente une maquette échelle 1 du vaisseau.
Le vaisseau serait de conception assez simple. Mais pour l’instant, l’ISRO ne communique rien.
Pour le vol habité, il faudra aussi des évolutions du lanceur lourd indien GSLV MkIII qui n’a à ce jour que 3 lancements orbitaux à son actif, dont le lancement de Chandrayaan-2.
Des astronautes indiens en formation en Russie
A ce jour, un seul astronaute indien a volé dans l’espace : Rakesh Sharma, pilote de l’armée de l’air indienne (IAF), lors d’un séjour d’une semaine sur la station spatiale soviétique Salyut 7 en 1984.
4 pilotes de l’armée de l’air indienne ont été sélectionnés parmi une sélection initiale de 60 candidats choisis par l’Institut de médecine aérospatiale (IAM) rattaché à l’IAF, puis une sélection descendue à 12 hommes. Leurs noms sont secrets à ce jour, à l’exception du commandant Nikhil Rath cité par certains journalistes indiens.
Ils sont arrivés courant janvier au centre d’entraînement Youri Gagarine à la Cité des Étoiles près de Moscou dans le cadre d’un contrat entre Glavkosmos (filiale de Roscosmos) et le Human Spaceflight Center de l’Indian Space Research Organisation (ISRO).
Ils suivent un programme de formation de 12 mois (il y a eu une interruption pour cause de Covid) qui comprend une formation physique et biomédicale intensive, une étude des systèmes Soyouz et une préparation à des conditions de vol inhabituelles. Ils apprennent le russe, comme l’une des principales langues internationales de communication dans l’espace.
Ils ont effectué des stages de survie en cas d’atterrissage inhabituel, en zones boisées et marécageuses en hiver (achevé en février 2020), à la surface de l’eau (achevé en juin 2020) ou dans la steppe en été (terminé en juillet 2020).
En juin 2020, tous les astronautes indiens ont effectué des vols en impesanteur de courte durée à bord de l’avion Iliouchine IL-76MDK, et en juillet, ils ont été formés pour être hélitreuillés à bord d’un hélicoptère après l’atterrissage de leur vaisseau.
Le programme de formation comprend également des tests en centrifugeuse et en chambre hyperbare pour préparer leurs organismes à supporter les différentes phases du vol spatial, tels que les multiples G, l’hypoxie et les chutes de pression. Ces formations doivent avoir lieu dans les mois à venir.
Un vol habité sans doute en 2022
Avant la crise du Covid-19, le premier vol habité de l’ISRO était annoncé pour fin 2021. Désormais, il serait plutôt prévu pour début 2022.
L’Inde espère faire ce vol historique avant le 75e anniversaire de l’indépendance du pays survenue le 15 août 1947.
Pendant ce premier vol, 3 astronautes devraient passer sept jours dans la capsule en orbite terrestre basse et faire quelques expériences en micro-gravité.
Avant d’effectuer une mission habitée, l’ISRA a prévu deux missions sans équipage, toutes deux transportant un humanoïde.
Et voici Vyommitra
Un prototype de cet humanoïde, Vyommitra a été présenté lors d’un symposium international sur les vols spatiaux humains.
Vyommitra signifie en sanskrit l’ami de l’espace.
Selon l’ISRO, Vyommitra, un humanoïde sans jambes, peut reconnaître les humains et répondre aux questions ainsi que mener des expériences. Il peut surveiller les paramètres biologiques et faire fonctionner les panneaux de commutation et les activités de survie du vaisseau. Vyommitra peut également converser avec des astronautes.
L’ISRO devrait envoyer ce robot dans une capsule spatiale au début de 2021 pour étudier comment elle, et plus tard de vrais astronautes, réagit à la vie dans l’espace en micro-gravité.
A suivre !
NB : Nikhil Rath fait partie des 25 finalistes (présélectionnés) en septembre 2019 mais je ne suis pas sûr qu’il fasse partie des 12 sélectionnés en décembre 2019.
NB : au début de ce programme, sur les trois premiers « gaganautes » (pas « gagnantes », n’en déplaise à Google), il devait y avoir une femme mais il est désormais acquis que les 12 premiers « gaganautes » seront tous des hommes, et tous des pilotes d’essai.
Je me demande toujours pourquoi on ne connaît pas leurs noms. Idem pour les 18 nouveaux « taïkonautes » (chinois par définition) et pour les 4 nouveaux astronautes émiratis.
Savez-vous quelque chose de l’histoire aerospatiale de l’Inde?
Ils semblent avoir commencé ex-nihilo, il y a 10 ans?!?
Je ne connais pas toute l’histoire aérospatiale de l’Inde mais je suis certaines missions. L’ISRO a été créée en 1969 mais comme indiqué a surtout dédié son programme spatial aux applications vers sa population.
Un article de Air et Cosmos sur les 40 ans de l’ISRO : https://air-cosmos.com/article/il-y-a-40-ans-linde-devenait-une-puissance-spatiale-23385
Pour Jacques Lheureux, à noter que le premier satellite indien, Aryabhata, fut lancé par une fusée soviétique le 19 avril 1975, il y a donc déjà plus de 45 ans.
L’ISRO a été créée en 1969 mais le programme spatial indien remonte au moins à 1961 ; il était alors confié au Département de l’Energie Atomique, soit il y a près de 60 ans.
(cf. Wikipédia / le programme spatial de l’Inde)