Astrophysique : le satellite Gaia et la croix d’Einstein
Les mirages ne sont pas l’apanage des déserts ! On peut en effet en trouver… Dans l’univers lointain.
Tout commence avec la gravité, dont le fonctionnement est aujourd’hui décrit par la théorie de la Relativité Générale d’Einstein, qui fête cette année ses 100 ans ! L’une des idées principales de cette théorie est que plus un objet est massif, plus il tord l’espace et le temps autour de lui. Einstein a prédit que lorsque de la lumière émise d’une source très lointaine s’approche d’un objet très massif, comme une galaxie ou un amas de galaxies, son trajet peut être détourné voire perturbé par l’espace-temps déformé. Si cet objet se trouve entre la source et l’astronome qui la regarde, ce dernier assistera à un curieux phénomène :
Une grande concentration de matière aura donc déformé l’image de la source derrière elle, à l’image d’une lentille qui concentre ou disperse la lumière qui passe à travers. C’est ce que l’on appelle l’effet de lentille gravitationnelle.
Selon la disposition des différents objets, cet effet se manifeste sous plusieurs formes. Si la source, la lentille et l’observateur sont parfaitement alignés, on observera un cercle de lumière autour de la lentille, qu’on appelle un anneau d’Einstein. Mais si l’alignement n’est pas parfait, ce sont des arcs ou des points que l’on verra. C’est le cas de la Croix d’Einstein, ou Q2237 + 030, découverte seulement en 1985. Dans cet objet, la source en arrière plan est une galaxie très lointaine et très compacte, qu’on appelle un quasar. Ce quasar se trouve à environ 10 milliards d’années lumière d’ici (1 année lumière, c’est la distance que parcourt la lumière en un an, ce qui correspond à 10 000 milliards de km). Sa lumière va traverser le puits de gravité formé par une galaxie bien plus proche (à quelques centaines de millions d’années lumière d’ici quand même) et ce faisant, va se décomposer en un trèfle lumineux constitué de 4 images distinctes de la source initiale.
La sonde Gaia de l’ESA a pour mission l’observation des étoiles et d’en faire une « cartographie 3D » très précise, mais pas seulement. Afin de célébrer dignement le centenaire de la Relativité Générale, l’équipe de traitement et d’analyse des données de Gaia ont revisité la Croix d’Einstein en déterminant avec précision la position des 4 images du quasar d’arrière plan.
Avec une précision sans précédent, Gaia a également observé une autre lentille gravitationnelle : HE0435-1223. A comparer par exemple avec les images prises par Hubble (voir plus haut).
Chaque image a une précision d’environ 50 mas (milliarcsecond) pour la Croix d’Einstein et mieux pour la deuxième source (1 mas égale environ 0,0000027778 degré), mais le traitement numérique devrait les améliorer encore. À la fin de 2015, il est prévu d’avoir neuf nouvelles observations de Q2237 + 030 et 16 pour HE0435-1223.
Les mirages cosmiques que constituent ces lentilles sont d’un intérêt fondamental en astronomie. Leur observation permet de tester avec toujours plus de précision les prédictions de la Relativité Générale, mais aussi de déduire la distribution de matière autour d’une galaxie ou d’un amas de galaxies en mesurant les distorsions des objets derrière eux.
Cet article est la vulgarisation de l’article d’origine du blog de ESA Gaia « GAIA HONOURS EINSTEIN BY OBSERVING HIS CROSS« , par Sébastien Carassou (alias @FlashCordon), doctorant en astrophysique.