Un gros débris spatial a-t-il atterri au Kenya : le mystère reste entier

Un objet métallique d’un diamètre de 2 mètres environ est tombé sur le village de Mukuku au Kenya, à environ 100 km de Nairobi, le 30 décembre 2024 vers 12h00 UTC, sans faire de blessés. La masse de l’anneau a été estimée à près de 500 kg. L’agence spatiale kényane (KSA) a publié le 1er janvier une déclaration officielle sur X et identifiant cet objet comme un débris spatial, affirmant qu’il s’agissait d’un anneau séparé d’une fusée.

D’autres images montrent des fragments tombés un peu plus loin que l’anneau, qui pourraient venir d’un engin spatial car ressemblant à des fibres de carbone et de l’isolant thermique multicouche (MLI).

Mais s’agit-il vraiment d’un débris spatial ? Rien n’est moins sûr selon certains experts du suivi des rentrées atmosphériques des engins spatiaux.

Jonathan McDowell, astrophysicien travaillant au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, est l’un des plus célèbres et il a écrit dans son blog son analyse. Marco Langborek, un spécialiste du suivi des objets spatiaux grâce à la station de suivi de Leiden aux Pays-Bas, a également étudié le cas du Kenya. Les 2 spécialistes ne sont pas unanimes sur l’origine du débris.

Ce qui pourrait avoir causé ce débris venu du ciel pourrait être l’adaptateur SYLDA du vol Ariane VA184, un objet spatial répertorié sous la référence 33155 ou 2008-034C. Le SYLDA (SYstème de Lancement Double Ariane) est la pièce majoritairement en carbone qui permet un lancement de 2 charges utiles par le lanceur Ariane 5. Le vol VA184 a décollé le 7 juillet 2008. L’étage supérieur est resté sur orbite basse une fois les satellites Protostar-1 et BADR-6 mis sur orbite géosynchrone. Le SYLDA est sur une orbite de transfert géostationnaire (GTO).

La dernière orbite enregistrée par le réseau de suivi militaire américain (CSpOC) pour 2008-034C est le 23 décembre 2024 sur une orbite de 1923 x 146 km et a estimé la rentrée atmosphérique de cet élément le 30 décembre entre 20h38 et 22h38 UTC, soit bien après l’évènement du Kenya, mais cette estimation reste très incertaine (+/- 1,5 jour selon Marco) car la surveillance de cet objet est rendue difficile par sa faible inclinaison en orbite (1,6°), et le manque de stations de suivi proches de l’équateur.

La masse du Sylda entier est de 440 kg et l’anneau ne ferait que dans les 50 kg. La masse aurait-elle été mal estimée par la KSA ?

Par contre, sur le SYLDA, le cône du bas mesure 5,435 m de diamètre à la base. Il est surmonté par la structure cylindrique, d’un diamètre de 4,561 m pour une hauteur de 3,244 m, qui est elle-même surmontée par un cône de 1,067 m avec un diamètre final de 2,624 m au niveau de la zone d’interface avec la charge utile (PAS 1194C). Les 2,6 m de cet anneau supérieur pourraient correspondre à l’anneau tombé sur le village kenyan.

Toutefois la fixation du PAS 1194C sur l’adaptateur cylindrique ACY (2624) ne semble pas correspondre aux boulons sur les photos du débris.

D’autres hypothèses ont été émises sur l’origine du débris : soit d’un étage Centaur d’une Atlas II lancée en août 2004 mais la masse de l’objet et l’horaire de la chute ne correspondent pas tout à fait (détection après le 30 décembre). Il ne s’agirait pas non plus d’un débris venant du lancement le 30 décembre d’une fusée indienne PSLV (trajectoire non concordante) ni de la rentrée atmosphérique d’un satellite Starlink (ce type de satellites fait des rentrées atmosphériques régulières).

Le mystère reste entier sur ce débris « venu du ciel ».

Mais avec le nombre croissant d’objets en orbite basse terrestre et les rentrées atmosphériques non contrôlées, la surveillance de l’espace (Space Situational Awareness) est de plus en plus nécessaire. Des entreprises privées se sont lancées dans le domaine SSA [J’espère détailler le SSA dans un futur article].

Quelque 35 000 objets sont désormais suivis par les réseaux de surveillance spatiale. Environ 9 100 d’entre eux sont des charges utiles actives, les 26 000 autres sont des débris mesurant plus de 10 cm.

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