Tianwen-2 : une double exploration inédite d’un astéroïde et d’une comète par la Chine
La seconde mission d’exploration du Système Solaire de la Chine est ambitieuse : la première cible de Tianwen-2 sera l’astéroïde Kamo’oalewa, pour y collecter des échantillons à sa surface et les faire revenir sur Terre puis la sonde s’envolera pour l’étude d’une comète, 311P.

Double objectif
Tianwen (天问) est le nom d’une œuvre du poète chinois Qu Yuan (34 av JC – 278 av JC) dans laquelle il soulève plusieurs questions sur le ciel, les phénomènes naturels et les mythes. Cela se traduit par « Questions célestes ». La Chine appelle Tianwen ses missions d’exploration du Système Solaire. Cette série de missions a débuté avec le lancement de Tianwen-1 en juillet 2020 pour l’exploration de Mars. Après avoir atterri à la surface de Mars en mai 2021, le rover Zhurong a terminé sa mission fin 2022.
Après la Lune et Mars, la Chine s’attaque à d’autres difficultés : se mettre en orbite autour d’un astéroïde puis d’une comète, échantillonner à la surface d’un corps à microgravité réduite, avec des distances plus grandes et des délais de communication qui imposent des automatisations plus complexes.
La mission Tianwen-2 en double phase explorera des questions fondamentales sur les origines des objets géocroiseurs, la composition des corps primitifs du système solaire et la distribution de l’eau et des molécules organiques dans l’espace.
Premier objectif : l’astéroïde Kamo’oalewa
Le décollage de la mission a eu lieu le 28 mai à bord d’une Long March 3B. L’arrivée de Tianwen-2 à sa première cible, l’astéroïde Kamo’oalewa, est prévue pour juillet 2026.
2016 HO3, également connu sous le nom de 469219 Kamo’oalewa, a été repéré pour la première fois en avril 2016 par un télescope d’étude d’astéroïdes, le Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System, à l’observatoire de haute altitude de Haleakala à Hawaï. Kamo’oalewa est un nom dérivé d’un chant de création hawaïen qui fait allusion à une progéniture voyageant seule.
Kamo’oalewa, qui signifie « le fragment céleste oscillant », est un astéroïde inhabituel, estimé entre 40 et 100 mètres de diamètre. Il est appelé “quasi-satellite terrestre” et circule de manière stable près de l’orbite terrestre à environ 14,5 millions de kilomètres de la Terre. Sa période de révolution est proche de la période de révolution terrestre. Il est trop éloigné pour être considéré comme un véritable satellite de la Terre, mais c’est l’exemple le meilleur et le plus stable à ce jour d’un compagnon proche de la Terre, ou quasi-satellite.

Les scientifiques pensent qu’il contient des indices sur l’histoire ancienne du Système Solaire, sa composition originale et le processus de sa formation et de son évolution. Ils pensent que l’exploration de cet astéroïde les aiderait à trouver des indices sur la façon dont les quasi-satellites sont apparus et sur la façon dont leurs orbites ont évolué au fil du temps.
De plus, certains chercheurs suggèrent que Kamo’oalewa pourrait être le premier astéroïde connu composé de matière lunaire. En 2021, Benjamin Sharkey, planétologue à l’Université d’Arizona, et ses collègues ont écrit dans la revue Communications Earth & Environment que Kamo’oalewa aurait pu être éjecté de la surface de la Lune en raison d’une collision avec un autre objet astronomique. Kamo’oalewa serait composé de silicates ressemblant à ceux trouvés dans les échantillons lunaires des missions Apollo.

L’étude de la composition de l’astéroïde pourrait confirmer l’hypothèse selon laquelle la Lune s’est formée à la suite d’une collision entre la Terre et une autre petite planète et que Kamo’oalewa pourrait être un petit vestige de cette collision.
Selon une étude publiée en 2024 dans Nature, contrairement à la majorité des astéroïdes proches de la Terre (NEA, Near-Earth Asteroïd), Kamo‘oalewa présente des caractéristiques spectroscopiques très proches des silicates lunaires altérés par l’espace. Cela suggère une origine lunaire plutôt qu’astéroïdale. Des simulations montrent qu’il pourrait s’agir d’un fragment éjecté lors de la formation d’un grand cratère lunaire il y a quelques millions d’années. Parmi les cratères lunaires récents, le cratère Giordano Bruno (22 km de diamètre, âgé de 1 à 10 millions d’années) sur la face cachée de la Lune, est identifié comme la source la plus probable de Kamo‘oalewa.

NASA/Goddard/Université d’État de l’Arizona)
Tianwen-2 tentera d’échantillonner la surface de Kamo’oalewa avec la technique » Touch-And-Go » (TAG) qui a été utilisée avec succès par les missions OSIRIS-Rex et Hayabusa 2. Cette méthode utilise un bras robotique étendu qui vient gratter la surface d’un astéroïde avec une tête d’échantillonnage à brosse rotative qui entre brièvement en contact avec la surface, puis la sonde repart en altitude.

La mission pourrait aussi effectuer un échantillonnage en vol stationnaire : la sonde utilise un bras robotisé tout en s’adaptant à la rotation de l’astéroïde et en planant à environ 1 m au-dessus de la surface.
Tianwen-2 tentera également d’atterrir à la surface de l’astéroïde en utilisant une autre technique dite « d’ancrage et de fixation ». Quatre bras robotiques pourraient s’étendre et percer la surface pour récupérer du matériau de surface de l’astéroïde, si la résistance de la surface et le terrain le permettent.
Après moins d’un an en orbite autour de Kamo’oalewa, la sonde repartira de l’astéroïde pour les ramener sur Terre avant que la sonde ne poursuive sa mission secondaire dans la ceinture d’astéroïdes.
Le retour de la capsule d’échantillons sur Terre est prévu pour novembre 2027. en cas de succès, la CHine deviendrait la première nation à étudier un quasi-satellite terrestre et à faire revenir des matériaux de sa surface sur Terre. La mission Tianwen-2, en ramenant un échantillon de Kamo‘oalewa, permettra de vérifier son origine lunaire.
Second objectif : la comète/astéroïde 311P/PANSTARRS
Après le largage de la capsule d’échantillons sur Terre, Tianwen-2 utilisera l’assistance gravitationnelle de la Terre pour se diriger vers la comète/astéroïde 311P/PANSTARRS qu’elle devrait atteindre en 2035.
P/2013 P5 ou 311P/PANSTARRS doit son nom au télescope qui l’a découvert en 2013. L’objet a un diamètre de 480 mètres environ et une queue observée lors de son approche la plus proche de la Terre suggère qu’elle pourrait être riche en substances volatiles.

311P est située dans la ceinture principale d’astéroïdes du Système Solaire, entre Mars et Jupiter. Elle orbite autour du Soleil une fois tous les 1 180 jours (3,23 ans), s’approchant jusqu’à 1,94 unité astronomique (UA) et atteignant jusqu’à 2,44 UA du Soleil.

La comète a une excentricité orbitale, une inclinaison similaire à celle d’un astéroïde de la ceinture principale, et possède à la fois une coma et une queue lorsqu’elle est active.
La sonde ne prélèvera pas d’échantillons de la comète mais se mettra en orbite pour analyser sa composition, sa rotation, sa forme et ses propriétés de surface, dans le but de dévoiler ses caractéristiques dynamiques et d’aider à comprendre l’origine et l’évolution des comètes de la ceinture principale.
Les scientifiques s’intéressent particulièrement à ses éléments volatils, à ses émissions de poussière et à ses mécanismes d’activité, qui pourraient faire la lumière sur le comportement cométaire dans la ceinture principale d’astéroïdes. Les comètes de la ceinture principale sont une population d’objets qui a des orbites stables dans la ceinture principale mais montrent une activité semblable à celle d’une comète probablement provoquée par la sublimation de la glace. La présence d’eau/glace dans la ceinture d’astéroïdes est très importante pour comprendre l’origine de l’eau sur Terre.
Des défis technologiques
La Chine va réaliser sa seconde mission d’exploration du Système Solaire. Après une réussite de 100 % avec Tianwen-1, il faut renouveler l’exploit des communications longue distance et des procédures automatiques.
La Chine a collecté des échantillons sur la face visible et la face cachée de la Lune avec Chang’e5 (2020) puis Chang’e-6 (2024). Ces missions ont utilisé une perceuse et une pelle pour collecter du matériel de surface lunaire. Cependant, tenter un atterrissage et utiliser des techniques similaires ne sera pas possible pour Kamoʻoalewa en raison du minuscule champ gravitationnel de l’astéroïde, du fait de sa taille réduite. C’est pourquoi la mission embarque de 3 modes d’échantillonnage [voir plus haut] pour maximiser les chances de prélever entre 200 g et 1 kg d’échantillons. Des expériences en tour de chute à Pékin (116 m de haut) ont été réalisées pour obtenir quelques secondes de microgravité et tester les solutions techniques.
Un autre défi technique majeur réside dans la rentrée à grande vitesse de la capsule d’échantillonnage. Contrairement aux précédentes missions chinoises de retour d’échantillons, Chang’e5 et Chang’e6, Tianwen-2 reviendra à une distance et une vitesse beaucoup plus grandes. La capsule de rentrée a été conçue pour résister à des vitesses plus élevées, et donc à des énergies et des températures plus élevées au contact de l’atmosphère. La capsule Tianwen-2 reviendra à environ 12,1 kilomètres par seconde contre 10,7 kilomètres par seconde pour le retour depuis la Lune. La China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) aurait également effectué des tests de déploiement de parachutes à haute altitude pour garantir un retour réussi.
Pour l’étude des 2 corps, Tianwen-2 transporte huit charges utiles qui doivent résister à plus de 10 ans de mission dans l’espace profond :
- Spectromètres multispectraux et infrarouges pour l’analyse de la composition de surface.
- Caméras haute résolution pour cartographier les caractéristiques géologiques.
- Un sondeur radar pour analyser la surface et le sous-sol de l’astéroïde
- Un magnétomètre pour détecter les champs magnétiques résiduels.
- Analyseurs de poussière et de gaz pour étudier l’activité cométaire.
- Détecteurs de particules chargées pour étudier les interactions du vent solaire (avec la contribution de l’Institut de recherche spatiale de l’Académie des sciences de Russie).
D’autres missions Tianwen ambitieuses à venir
Tianwen-3 est la mission suivante prévue avec le retour d’échantillons de la surface de Mars. Elle devrait décoller fin 2028. Elle pourrait avoir lieu avant la mission conjointe Mars Sample Return de la NASA et de l’ESA, qui semble compromise actuellement en raison des nouvelles contraintes budgétaires de la NASA.
Tianwen-4 doit voir la mise sur orbite d’une sonde chinoise autour de Jupiter et effectuer des survols de lune Callisto.
Mais tout ça, on en reparlera le moment voulu sur le blog 😉
Sources principales : article sur les objectifs et la configuration des charges utiles + article Planetary.org

Bravo pour récupérer ces infos et nous les partager ; les Chinois ne sont que rarement bavards sur leurs projets, et même souvent aussi sur leurs résultats :-(. Changeraient-ils pour le meilleur ? Encore merci.
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