La mission de démonstration technologiqueProba-3 de l’Agence Spatiale Européenne a effectué sa première éclipse solaire totale artificielle. Les premières images de la couronne solaire ont été dévoilées le 16 juin.
La couronne interne du Soleil apparaît verdâtre sur cette image prise le 23 mai 2025 par le coronographe ASPIICS à bord de Proba-3, la mission de vol en formation de l’ESA capable de créer des éclipses solaires totales artificielles en orbite. Cette image, capturée dans le spectre de la lumière visible, montre la couronne solaire de la même manière qu’un œil humain la verrait lors d’une éclipse à travers un filtre vert. Les structures ressemblant à des cheveux ont été révélées à l’aide d’un algorithme de traitement d’image spécialisé (crédit ESA/Proba-3/ASPIICS/WOW algorithm).
Proba-3 est une mission de 2 satellites, le Coronagraph et l’Occulter, sur une orbite hautement elliptique terrestre 600 km x 60 530 km et une inclinaison de 59°.
Les systèmes principaux des 2 satellites (crédits ESA / traduction en français par Rêves d’espace)
En mars dernier, le Coronagraph et l’Occulter ont volé à 150 mètres l’un de l’autre en formation parfaite pendant plusieurs heures sans aucun contrôle depuis le sol, en utilisant une suite de capteurs. Les suiveurs d’étoiles et la navigation par satellite sont complétés par des liaisons radio intersatellites, des caméras optiques LED, un laser et des rétroréflecteurs et enfin des capteurs d’ombre entourant l’ouverture de l’instrument ASPIIC.
Lors du premier vol autonome en formation de la mission Proba-3 de l’ESA, le satellite « Coronagraph » a été photographié par la caméra embarquée du satellite « Occulter » (crédit ESA).
Lorsqu’ils sont alignés, les deux satellites maintiennent leur position relative au millimètre près, permettant alors à l’Occulter d’occulter le disque solaire et au Coronagraph d’observer l’atmosphère externe du Soleil, et sans les parasites de l’atmosphère terrestre.
Ils s’alignent avec le Soleil de sorte que le disque de 1,4 m porté par Occulter couvre le disque lumineux du Soleil pour Coronagraph, projetant une ombre de 8 cm sur son instrument optique, ASPIICS. Occulter remplace la Lune des éclipses naturelles.
L’instrument ASPIICS capture la couronne solaire en deux lignes spectrales ‘différentes’, chaque ligne correspondant à un élément différent contenu dans les gaz coronaux.
La couronne interne du Soleil, colorée artificiellement pour apparaître vert foncé, sur une image prise le 23 mai 2025 par le coronographe ASPIICS à bord de Proba-3. Cette image montre des observations dans la ligne verte coronale, une ligne spectrale émise par les atomes de fer qui ont perdu la moitié de leurs électrons en raison de températures extrêmement élevées. Cela nous permet de voir le contenu le plus chaud de la couronne, jusqu’à 2 millions de degrés. En haut à gauche, on peut voir une boucle chaude s’étendant de la surface du Soleil jusqu’à la couronne, une structure qui apparaît généralement à la suite d’une éruption solaire (crédit ESA/Proba-3/ASPIICS).La couronne interne du Soleil, colorée artificiellement pour apparaître violette, sur une image prise le 23 mai 2025 par le coronographe ASPIICS à bord de Proba-3. Cette image montre la couronne en lumière blanche polarisée, capturée à l’aide d’une technique spéciale qui permet aux scientifiques de séparer la lumière polarisée de la couronne chaude de la lumière diffusée par la poussière interplanétaire (crédit ESA/Proba-3/ASPIICS).
Les 2 autres instruments embarqués, le Radiomètre Absolu Numérique (DARA) et le Spectromètre Électronique Énergétique 3D (3DEES) vont respectivement mesurer l’irradiance solaire totale (l’énergie émise par le Soleil à tout moment) et détecter les électrons dans les ceintures de radiation de la Terre, en mesurant leur direction de provenance et leurs niveaux d’énergie.
La couronne solaire, cette enveloppe externe du Soleil, demeure une zone encore mal connue des scientifiques, qui peinent à expliquer précisément son fonctionnement. Paradoxalement, contrairement à ce que prévoient les lois de la physique, la température de la couronne solaire excède d’environ cent fois celle de la surface solaire. Une meilleure compréhension du fonctionnement du Soleil permettrait non seulement d’approfondir notre connaissance de son influence sur la Terre et de la météorologie spatiale – à l’origine notamment des aurores boréales – mais aussi de mieux anticiper les tempêtes géomagnétiques susceptibles d’affecter les satellites et les réseaux électriques terrestres.
Il existe déjà des instruments capables d’étudier le Soleil, la couronne basse et la couronne haute. Cependant, entre la couronne basse et la couronne haute, il existe une région, un « gap », où les observations sont difficiles. Cette région, située à moins de trois rayons solaires, reste largement inexplorée. Normalement, il n’est possible d’observer cette région ‘gap’ que lors des éclipses solaires terrestres. L’instrument ASPIICS de Proba-3 augmentera la vue rapprochée du Soleil et de sa couronne de trois rayons solaires à seulement 1,1 rayon solaire, permettant une étude soutenue du vent solaire et des éjections de masse coronale (crédit ESA-F. Zonno).
Les données recueillies par ASPIICS de Proba-3 vont permettre d’étudier la couronne très près de la surface du Soleil, ce qui n’est pas réalisé à ce jour avec d’autres missions spatiales ou les coronographes terrestres.
Cette image est une combinaison d’observations faites le 23 mai 2025 par trois instruments européens différents à bord de différentes missions : le disque solaire (coloré artificiellement en jaune), tel que capturé par un télescope ultraviolet extrême (SWAP) à bord de Proba-2 ; la couronne externe (en rouge) observée par le coronographe LASCO C2 à bord de SOHO ; et la couronne interne (en vert), imagé en détail par le coronographe ASPIICS de Proba-3’s, comblant ainsi la lacune (crédit ESA/NASA/Proba-2/Proba-3/SOHO/SWAP/ASPIICS/LASCO C2/WOW algorithm).
Les prochaines éclipses artificielles de Proba-3 devraient atteindre un temps d’observation de 6 heures.