Les premières images du pôle sud du Soleil par Solar Orbiter
La mission Solar Orbiter de l’ESA a réalisé les toutes premières images des régions polaires du Soleil, des parties du Soleil auparavant cachées et désormais visibles grâce à l’orbite inclinée unique de la sonde.

Ces observations devraient permettre de mieux connaître le champ magnétique du Soleil, le cycle solaire et le fonctionnement de la météorologie spatiale, alors que depuis la Terre.

Première sonde à observer les pôles solaires
Jusqu’à présent, les sondes (et les télescopes terrestres) n’ont jamais pu voir clairement les pôles du Soleil, car aucun n’a jamais atteint plus de 7° de l’équateur solaire (la mission Ulysse de l’ESA/NASA (1990–2009) a survolé les pôles du Soleil mais n’a transporté aucun instrument d’imagerie).
Solar Orbiter a réalisé en février dernier un survol de la planète Venus. Cette assistance gravitationnelle a permis de réorienter la sonde au-dessus du plan écliptique pour l’observation des régions polaires du Soleil. L’angle d’observation commence à 17° et les futurs survols augmenteront cet angle à 33 degrés.
Le 23 mars 2025, Solar Orbiter observait le Soleil sous un angle de 17° sous l’équateur solaire. À chaque orbite autour du Soleil, la sonde oscille entre les latitudes solaires de -17° et +17°, ce qui lui permet d’étudier à la fois les pôles sud et nord du Soleil, ainsi que tout ce qui se trouve entre les deux.
La vidéo ci-dessous compare la vue de Solar Orbiter (en jaune) avec celle de la Terre (gris), le 23 mars 2025.
Cette vidéo commence avec le Soleil vu de la Terre. Les images grises ont été prises par le télescope ultraviolet extrême SWAP du satellite Proba-2 de l’ESA. Les lignes rouge-vert pointillées indiquent les latitudes et longitudes solaires (grille de Stonyhurst), tandis que les lignes jaunes continues indiquent le centre de la vue de la Terre. Puis, on tourne vers la vue inclinée de Solar Orbiter, affichée en jaune, et un zoom sur le pôle sud du Soleil. Solar Orbiter a utilisé son instrument Extreme Ultraviolet Imager (EUI) pour prendre ces images. Ce qu’on voit, c’est du gaz chargé à un million de degrés se déplaçant dans l’atmosphère extérieure du Soleil, la couronne. De temps en temps, un jet ou un panache brillant illumine ce gaz.
Premières données enregistrées par 3 instruments scientifiques
Trois instruments scientifiques de Solar Orbiter, l’imageur polarimétrique et héliosismique (PHI), l’imageur ultraviolet extrême (EUI) et l’instrument d’imagerie spectrale de l’environnement coronal (SPICE) ont chacun observé le Soleil d’une manière différente [Tous les instruments détaillés dans Solar Orbiter : l’Europe va étudier le Soleil].

PHI (Polarimetric and Helioseismic Imager) a capturé la lumière visible envoyée par les particules de fer (longueur d’onde de 617,3 nanomètres), révélant la surface du Soleil (photosphère).
PHI a cartographié également le champ magnétique de surface du Soleil le long de la ligne de visée de la sonde. Sur la carte ci-dessous, le bleu indique un champ magnétique positif, pointant vers la sonde, et le rouge indique un champ magnétique négatif.
EUI (Extreme Ultraviolet Imager) a observé le Soleil en lumière ultraviolette (longueur d’onde de 17,4 nanomètres, révélant le gaz chargé à un million de degrés dans l’atmosphère extérieure du Soleil, la couronne. Cette lumière à haute énergie est émise par des particules de fer chargées.
L’instrument SPICE (Spectral Imaging of the Coronal Environment) a capturé la lumière sur différentes longueurs d’onde provenant de différentes couches au-dessus de la surface du Soleil, de la chromosphère juste au-dessus de la surface du Soleil jusqu’à la couronne solaire. Chaque image capturée par SPICE montre différentes températures de gaz chargé, à 10 000 °C, 32 000 °C, 320 000 °C, 630 000 °C et 1 000 000 °C.
En comparant et en analysant les observations complémentaires faites par ces trois instruments d’imagerie, les scientifiques peuvent découvrir comment la matière se déplace dans les couches externes du Soleil. Cela pourrait révéler des modèles inattendus, tels que des vortex polaires (gaz tourbillonnant) similaires à ceux observés autour des pôles de Vénus et de Saturne.
Vers une meilleure connaissance du cycle solaire
Ces nouvelles observations révolutionnaires sont également essentielles pour comprendre le champ magnétique du Soleil et pourquoi il s’inverse environ tous les 11 ans, coïncidant avec un pic d’activité solaire. Les modèles et prévisions actuels du cycle solaire de 11 ans ne parviennent pas à prédire exactement quand et avec quelle puissance le Soleil atteindra son état le plus actif.

L’une des premières découvertes scientifiques issues des observations polaires de Solar Orbiter est la découverte qu’au pôle sud, le champ magnétique du Soleil est actuellement en désordre. Alors qu’un aimant normal possède un pôle nord et un pôle sud clairs, les mesures du champ magnétique de l’instrument PHI montrent que des champs magnétiques de polarité nord et sud sont présents au pôle sud du Soleil. Cela ne se produit que pendant une courte période à chaque cycle solaire, au maximum solaire, lorsque le champ magnétique du Soleil s’inverse et est le plus actif. Après le retournement du champ, une seule polarité devrait lentement s’accumuler et prendre le relais aux pôles du Soleil. Dans 5–6 ans, le Soleil atteindra son prochain minimum solaire, pendant lequel son champ magnétique sera le plus ordonné et le Soleil affichera ses niveaux d’activité les plus bas.
Solar Orbiter sera le premier engin spatial à observer ce processus de basculement des pôles solaires. Les données recueillies apporteront un nouvel éclairage sur les forces à l’origine des éruptions solaires qui affectent la Terre.
L’ensemble des données complètes du premier vol complet « pôle à pôle » de Solar Orbiter devrait arriver sur Terre d’ici octobre 2025, avec des données des 10 instruments scientifiques.
Solar Orbiter continuera à orbiter autour du Soleil à cet angle d’inclinaison de 17° jusqu’au 24 décembre 2026, date à laquelle son prochain vol au-delà de Vénus inclinera son orbite à 24°. À partir du 10 juin 2029, la sonde orbitera autour du Soleil sous un angle de 33°.

Source : ESA
