Rêves d'Espace

Un site sur l'actualité spatiale : les vols habités, les lancements, l'exploration de l'espace, les grandes missions actuelles et futures

Lune

Les 3 projets de rovers d’exploration lunaire pour les missions habitées Artemis

La NASA a sélectionné en avril dernier 3 entreprises pour une première phase de développement du futur rover non pressurisé qui pourra emmener des Humains sur de grandes distances à la surface de la Lune à partir de la mission Artemis V : Intuitive Machines, Lunar Outpost et Venturi Astrolab.

Illustration NASA du Lunar Terrain Vehicle

Le contrat du Lunar Terrain Vehicle (LTV) pour le programme Artemis prévoit une enveloppe totale de 4,6 milliards de dollars maximum pour la « phase de faisabilité » de 12 mois (à partir de mai 2024) des différents projets de rovers, puis la NASA n’en sélectionnera qu’un seul à l’issue d’une revue préliminaire de la conception (PDR, Preliminary Design Review).

La NASA commencera comme loueur principal pour l’utilisation du rover, soit environ 75 % de la charge utile, libérant environ 25 % de la capacité pour un autre usage commercial.

Contrairement aux contrats de services de cargos (CRS, Commercial Resupply Services) puis de vaisseaux habités pour l’ISS (CCP, Commercial Crew Program), et au programme d’atterrisseurs lunaires CLPS (Commercial Lunar Payload Services), la NASA ne financera qu’un seul projet et non 2 pour s’assurer une redondance de prestataire. Les 2 autres entreprises pourront continuer à financer leur rover avec d’autres fonds, et pourront le proposer au prix qu’ils souhaitent à la NASA qui choisira alors parmi les rovers proposés pour les louer dans le cadre de contrats de services. Les entreprises pourront proposer leur rover à d’autres clients lorsqu’il n’est pas utilisé par la NASA.

La NASA donne des exigences fonctionnelles de haut niveau et de capacités, et des normes de sécurité. Elle n’a pas défini par exemple le mode de propulsion du rover. Il y a une exigence opérationnelle de 10 ans (mais 1 rover pour 10 ans, ou 10 rovers qui ne durent qu’1 an, cela reste au choix des entreprises). Les sociétés sont responsables de la gestion du lancement et de l’atterrissage sur la Lune.

La NASA met ses capacités de l’installation du centre Johnson à Houston (Texas) à la disposition des entreprises au cours de leur processus de développement et aux données recueillies sur l’environnement lunaire au cours des dernières décenies.

Le LTV : un croisement entre un rover lunaire de style Apollo et un rover sans équipage comme ceux actuellement sur Mars

Le Lunar Roving Vehicle (LRV) des missions Apollo était une merveille d’ingénierie [surtout pour l’époque], conçue avec une redondance pour fonctionner dans la poussière abrasive et la chaleur élevée du jour lunaire. Un moteur à chacune des 4 roues était suffisamment puissant pour entraîner l’ensemble du véhicule en cas de panne des trois autres. Les roues avant et arrière étaient capables de le diriger. Grâce à cette astromobile, les astronautes d’Apollo 15, David Scott et James Irwin, la première des 3 missions à avoir utilisé l’engin roulant, ont parcouru une distance de 27,76 km, soit bien plus que les 3 précédentes missions cumulées (record de 35,89 km par la mission Apollo 17).

Avec le LTV, la NASA veut une astromobile bien plus performante : « un rover lunaire hybride de style Apollo piloté par nos astronautes et une plate-forme scientifique mobile ». Les astronautes pourront conduire le LTV à travers le terrain accidenté du pôle Sud de la Lune vers des sites d’intérêt scientifique. Et quand il n’y aura pas d’astronautes sur la surface lunaire, la NASA pourra faire fonctionner le LTV à distance. Il pourra également venir à la rencontre de l’équipage entre le site d’atterrissage et la base lunaire.

Eugene Cernan conduisant un rover lunaire lors de la mission Apollo 17 avant son assemblage final (les caméras et antennes ne sont pas installées) (crédit NASA)

L’environnement au pole sud lunaire est exigeant : Le pôle Sud de la Lune est marqué par des cratères larges et profonds, dont les sols sont dans l’ombre permanente, avec des températures aussi froides que -247°C. Le Soleil y reste proche de l’horizon, projetant de longues ombres sur le paysage. Dans le même temps, certains sommets de la région sont très ensoleillés pendant plus de 200 jours terrestres par an. 

La gestion de l’énergie au niveau du rover sera une grande contrainte. Il devra être 100% autonome et être un relais de télécommunications pour les astronautes « en balade ».

Trois concepts de LTV

Les trois concepts LTV sont des rovers non pressurisés. Le rover finalement sélectionné devrait fonctionner en tandem avec le rover pressurisé, développé par Toyota, le Lunar Cruiser.

Moon RACER

Le projet Moon RACER est piloté par Intuitives Machines en coopération avec des équipes d’AVL, Boeing, Michelin et Northrop Grumman.

Illustration d’origine du Moon Racer d’Intuitive Machinesen avril 2024

RACER, pour Reusable Autonomous Crewed Exploration Rover, doit accueillir 2 astronautes et quelque 400 kg de cargaison, et est conçu pour tirer une remorque chargée de 800 kg supplémentaires. Il est transportable par l’atterrisseur lunaire Nova-D d’Intuitives Machines (IM).

AVL apporte son expertise dans les véhicules électriques à batterie, les solutions de propulsion et la conduite autonome. Plus précisément, AVL se concentrera sur la transmission, la direction et les suspensions. Boeing dirigera la conception du système LTV et soutiendra la conception globale, la fabrication, les tests, l’intégration, la planification de mission et les opérations du véhicule de vol, et les maquettes statiques et dynamiques. Michelin tirera parti de l’expérience acquise lors de précédentes collaborations avec la NASA et ses expertise en technologie « sans air » (airless) et matériaux de haute technologie pour relever le défi de la conception d’une roue lunaire capable de fonctionner à des températures supérieures à 100°C et inférieures à -240°C, résistante à l’exposition au rayonnement solaire et galactique, assurant une longévité et une traction maximales sur un sol meuble agressif. Northrop Grumman mettra à profit son expérience dans les systèmes d’alimentation, les autres systèmes de véhicules, et la planification et la formation aux missions.

Selon les déclarations d’IM, les équipes de développement ont pris en compte l’expérience des astronautes d’Apollo, Charlie Duke et Harrison Schmitt. Le prototype dévoilé le 7 novembre au Space Center de Houston fait l’objet de tests par des astronautes du Johnson Space Center de la NASA. L’ancien astronaute de la NASA, Jack Fischer a rejoint l’entreprise en 2021.

Lunar Dawn

Le projet Lunar Dawn est dirigé par Lunar Outpost qui travaille avec General Motors, Goodyear, Leidos et MDA Space.

Lockheed Martin qui était présent au moment de l’annonce de la présélection de la NASA n’a pas poursuivi l’aventure. Le départ de LM du projet a entrainé quelques modifications dans les illustrations du rover publiées au fil des mois.

Le rover lunaire de l’équipe Lunar Dawn en avril 2024 (crédit Lunar Outpost)
Concept de véhicule de terrain lunaire Eagle en novembre 2024 (crédit Lunar Outpost)

Leidos, qui avait postulé à la présélection de la NASA avec son propre projet, a rejoint le projet Lunar Dawn en septembre dernier, et apportera son expertise en ingénierie des systèmes et en sécurité notamment (Leidos participe déjà à l’ISS pour la sécurité des astronautes). GM fournira principalement sa technologie de batterie, son expérience en développement de châssis et de suspensions. Goodyear développe les roues du rover, basés sur leur expérience de roues en treillis métallique des LRV. MDA Space fournira les parties robotiques de la mission grâce à son expertise sur les bras robotiques Canadarm (Navettes et ISS).

Lunar Ouptost a annoncé avoir sélectionné le Starship pour livrer son rover sur la Lune, même si l’entreprise a conçu le rover pour qu’il soit compatible avec autant de systèmes d’atterrissage potentiels que possible.

On a jusqu’à présent peu de détails techniques sur Lunar Dawn.

Lunar Outpost développe en parallère des rovers plus petits, non habitables et autonomes, dont le premier exemplaire LV1 MAAP devrait s’envoler à bord de la seconde mission lunaire d’Intuitive Machines (IM-2) [article à venir].

FLEX

Venturi Astrolab développe le rover Flexible Logistics and Exploration (FLEX) depuis 2022. Depuis l’anonce du contrat avec la NASA, Astrolab Venturi s’est associé avec Axiom Space et Odyssey Space Research.

Venturi Astrolab s’appuie sur le groupe monégasque Venturi, pionnier des véhicules électriques en Formula E. Axiom Space apporte son expertise spécifique dans la conception des interfaces du véhicule pour l’équipage et les combinaisons spatiales. Odyssey Space Research spécialisée dans les logiciels de vol, la simulation, l’analyse et la sécurité des systèmes, le guidage, la navigation et le contrôle (GNC), la dynamique de vol et les opérations

Alimenté par des batteries lithium-ion embarquées, chargées par les panneaux solaires latéraux du rover, le FLEX à entraînement autonome a à peu près la taille d’une petite camionnette. FLEX a été conçu pour soulever, transporter et déployer de grandes boîtes d’équipement de la taille d’un conteneur sur la surface lunaire. FLEX peut également servir de véhicule de transport d’astronautes non pressurisé.

Venturi Astrolab a également choisi le Starship comme service de livraison de FLEX à la surface de la Lune d’ici fin 2026.

Venturi développe actuellement le rover FLIP pour une première mission de démonstration de son rover à une plus petite échelle, avec un alunissage prévu en 2025.

Plus de détails sur ces mission FLEX et FLIP dans un article dédié à venir.


Qui d’après-vous va gagner la sélection finale de la NASA ?

Sources principales : NASA Moves Forward with Development of LTV, NASA et sites des sélectionnés.

Images de couvreture : crédit : Astrolabe Venturi, Lunar Outpost et Intuitive Machines

Publicités

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.