AZURE : peindre le ciel pour percer le mystère des aurores
Double lancement suborbital depuis la Norvège dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 avril. La NASA, en partenariat avec la Canadian Space Agency, a envoyé deux fusées-sondes créer des aurores boréales artificielles. La mission qui se nomme AZURE, s’est bien déroulée. Le double lancement a eu lieu depuis l’Andoya Space Center en Norvège. Les deux fusées-sondes ont décollé à deux minutes d’intervalle à 22h14 UTC (5 avril). Les deux fusées sont montées à 320 km, puis redescendues en prenant des mesures et en larguant plusieurs fois des gaz, créant des nuages artificiels colorés.
Si d’en bas, une aurore boréale peu paraître paisible et gracieuse, le mécanisme est, lui, beaucoup plus violent. Rappelons brièvement le principe : des particules chargées, des protons pour la plupart, issues du vent solaire, se heurtent à notre très protecteur champ magnétique terrestre. Alors les particules sont canalisées et guidées par des lignes de champs qui les amènent dans la queue magnétosphérique, le « côté nuit » de la magnétosphère. Enfin, les lignes de champs les conduisent vers les pôles magnétiques terrestres, dans des « zones à aurores » (ovale auroral). C’est quand ces particules pénètrent dans notre atmosphère que le processus devient violent et visible. Les particules du vent solaire sont très énergétiques. Sans magnétosphère, on serait condamné à vivre avec elles comme dans un four micro-ondes en permanence, aucune vie sur Terre ne serait possible. Quand ces particules rencontrent les atomes de notre atmosphère, elles leur cèdent de l’énergie électrique, ce qui les fait briller. Les variétés de formes et de couleurs des aurores sont liées à la teneur énergétique des particules mais aussi à la hauteur à laquelle elles cèdent de l’énergie.
Une aurore n’étant que la partie visible de toutes ces collisions, reste la face cachée, à savoir les transferts d’énergies cinétique (vitesse) et thermique. C’est là qu’intervient la NASA et la mission AZURE (Auroral Zone Upweilling Rocket Experiment) : comprendre la contribution des aurores sur la distribution totale des énergies entrantes et sortantes de la Terre. La contribution énergétique des aurores sur les processus fondamentaux qui dirigent l’espace proche de la Terre est encore aujourd’hui peu claire. C’est pourtant ce même espace qui est aujourd’hui de plus en plus utilisé par l’Homme.
Le but d’AZURE était de mesurer le flux de particules de certaines zones de la ionosphère. D’une part, les mesures ciblaient une zone aurorale de la ionosphère, d’autre part, seules quelques hauteurs étaient ciblées. Les flux de particules ont été mesurés dans les couches E (90 à 150 km) et F (150 à 500 km). La couche E s’appelle comme ça du fait que les premiers radio-amateurs se soient rendus compte que cette couche était électriquement chargée, et pouvait donc réfléchir les ondes radio. Les régions E et F sont témoins d’un cycle quotidien de déconnexion et reconnexion. Par photo-ionisation par les rayons du Soleil, les atomes des ces zones se séparent d’un électron. Une fois que la nuit tombe, l’électron retrouve un des ions et s’y recombine. Ce cycle de ionisation et recombinaison est assez complexe.
En mesurant ce flux de particules, la mission AZURE a pu ainsi mesurer le vent vertical dans ces régions. C’est ce vent, ce flux, qui crée une soupe de particules qui redistribue l’énergie, les moments, et les éléments chimiques qui composent notre atmosphère. Autrement dit, ce flux auroral est la fontaine qui alimente le bassin qu’est notre atmosphère. Jusqu’à présent, aucune mesure de ce genre n’avait été entreprise. Des mesures au sol montraient l’existence de structures de 10 à 100 km d’épaisseur dans lesquelles les particules chargées tombaient, mais les mesures ne correspondaient pas aux prédictions de la NASA.
Les deux fusées-sondes de la mission AZURE ont mesuré la densité et la température, mais comme on l’a vu, ce n’était pas tout. Les fusées ont chacune largué des nuages de traceurs pendant leur descente. Une mixture de triméthylaluminium (TMA), de baryum et de strontium, qui s’ionise sous l’effet des rayons solaires, et donc brille. Ce traceur a été largué à plusieurs hauteurs, en nuages, par les deux fusées dans deux zones différentes. Le traceur a été largué entre 115 et 250 km (aucun risque pour les habitants). En tout, 24 nuages ont été créés. Ainsi, en suivant l’évolution de ces nuages artificiels depuis le sol, et en triangulant leurs positions au cours du temps, on a pu avoir des mesures indirectes du flux vertical de particules (mais aussi horizontal) à plusieurs hauteurs de la ionosphère.
Timelapse des nuages artificiels de la mission AZURE : on voit bien que selon la hauteur, les nuages sont plus ou moins déplacés vers le haut (mais aussi sur le côté). Les instruments au sol étaient pour la plupart des caméras DSLR. (crédit Jason A. / Alomar Observatory)
La mission AZURE n’était pas une mission de la NASA à proprement parler, mais une mission sponsorisée, notamment avec l’agence spatiale canadienne. C’est la Clemson University (Caroline du Sud, USA) qui en était la pilote. Avec l’aide de la NASA, une mission-test avait été réalisée en juin 2017 pour vérifier la dispersion en nuage du traceur. La mission AZURE était prévue à la base pour mars 2018 depuis le centre spatial de Kodiak en Alaska mais les contraintes météo ont reporté le tir à cette année à l’Andoya Space Center.
Les fusées utilisées pour la mission AZURE étaient des fusées canadiennes Black Brant XI-A, à trois étages : un premier étage Talos, un second étage Terrier, et un troisième étage Black Brant X1-A. Une Black Brant XI-A est capable d’emporter une charge utile de 230 kilos à 700 km en vol suborbital. Il y a 12 versions de fusées canadiennes Black Brant, dont la première construite en 1959.
La mission AZURE est la première de huit missions suborbitales de la NASA et de ses partenaires pour étudier l’espace polaire entre 2019 et 2020 dans le cadre d’une collaboration scientifique internationale nommée « The Grand Challenge Initiative ». Pour continuer à étudier les aurores ainsi que les processus polaires, les missions décolleront de l’Andoya Space Center ou du Svalbard.
Sources : NASA, Clemson University.
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