L’avenir de l’Europe spatiale se joue cette semaine
Le Conseil Ministériel (CM) de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) se tient ces 22 et 23 novembre 2022. A cette occasion les États membres, les États associés et les États coopérants de l’ESA se réuniront pour définir les axes d’investissements dans le domaine spatial.
L’Agence Spatiale Européenne a publié sa vision : dans le contexte actuel géopolitique, les États membres de l’ESA doivent réagir en veillant à ce que l’Europe ait toujours accès à l’espace et à ses avantages pour la vie sur Terre, dont la surveillance et l’atténuation du changement climatique, des communications sécurisées sous contrôle européen et une réponse rapide et résiliente aux crises.
Josef Aschbacher, le directeur général de l’ESA, a publié son plaidoyer pour que l’Europe passe « de l’ambition à l’action ».
Malgré le contexte économique difficile, J. Aschbacher explique que les activités de l’ESA créent des emplois et une valeur économique dans l’industrie spatiale et l’économie globale de l’Europe. L’industrie spatiale européenne soutient environ 230 000 emplois en Europe, ce qui ne représente qu’environ 5 à 6% de la main-d’œuvre mondiale dans l’espace mais a capturé plus d’un quart des marchés spatiaux en amont et en aval. Alors que les dépenses publiques européennes dans l’espace ne représentent qu’environ 0,05% du PIB et environ 0,11% des dépenses publiques totales en Europe, les programmes de l’ESA répondent à certains des défis les plus importants de l’humanité et contribuent de plus en plus à la construction d’une société et d’une économie européennes solides et résistantes.
L’espace est bon pour l’économie européenne
Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA
Alors que les infrastructures spatiales et les applications spatiales connaissent une importance exponentielle dans la vie quotidienne de tous les Européens et que les secteurs économiques européens critiques comme la construction, les transports, les finances, les assurances, l’informatique et la communication dépendent fortement de l’espace, l’ESA demande des budgets pour développer un secteur spatial européen plus autonome avec un accès indépendant à l’espace.
Pour l’ESA, il est vital de prendre des mesures pour protéger les infrastructures spatiales mais avec des pratiques durables en orbite terrestre basse. L’ESA souhaite que l’Europe montre l’exemple en s’engageant dans une politique zéro débris d’ici 2030 avec le projet ClearSpace-1. Pour l’agence européenne, les initiatives telles que la gestion du trafic spatial, l’entretien en orbite et d’autres nouvelles technologies contribueront à assurer un vol spatial durable et une économie circulaire dans l’espace.
Voici les autres domaines des propositions de l’ESA au CM22 :
Le futur de l’observation de la Terre
Les grands objectifs des propositions de l’ESA sont :
- Délivrer des solutions spatiales pour les risques géopolitiques, incluant les crises climatiques, énergétiques et alimentaires.
- Augmenter et développer la collaboration avec les partenaires internationaux et les acteurs commerciaux
- Maintenir l’avance de l’Europe dans le domaine de la science et de la technologie de l’observation de la Terre
Navigation
L’ESA va continuer d’aider au développement déjà en cours des satellites de navigation de seconde génération du programme européen Galileo, et au service européen de superposition de navigation géostationnaire EGNOS qui améliorera la précision et l’intégrité du GPS.
L’ESA souhaite également étendre la navigation par satellite et les télécommunications autour de la Lune avec l’initiative Moonlight.
Exploration Humaine et Robotique
Avec le programme TERRA NOVAE, l’ESA souhaite continuer l’exploitation de l’orbite basse avec la continuité des activités dans l’ISS jusqu’à 2030, accroître sa participation à l’exploration lunaire avec notamment un atterrisseur lunaire Argonaut pour la livraison de charges utiles scientifiques et de fret sur la surface lunaire, et assurer le développement de l’atterrisseur de la mission Exomars (après l’arrêt de la coopération avec la Russie) pour faire rouler le rover Rosalind Franklin sur Mars.
Développement de nouvelles technologies
Pour une autonomie de l’Europe, de nouvelles technologies doivent être développées et rapidement. L’ESA propose d’augmenter le nombre de démonstrateurs technologiques en orbite notamment avec des cubesats et des petits satellites.
L’ESA propose une initiative pour la souveraineté des composants spatiaux EEE (Electriques, Electroniques et Electromécaniques) pour l’Europe visant à assurer un approvisionnement régulier et assuré en pièces EEE, les éléments constitutifs des missions spatiales.
Le programme de R&D SOLARIS étudiera les technologies et techniques clés des systèmes d’énergie solaire basés dans l’espace pour fournir une énergie propre de l’espace à la Terre.
Le projet ENDURE vise à développer une offre européenne de systèmes de chaleur et d’alimentation radio-isotopiques pour des futures missions d’exploration du Système Solaire lointain.
Transport Spatial
L’ESA souhaite renforcer la compétitivité des lanceurs Vega-C et Ariane 6 pour garantir l’accès indépendant de l’Europe à l’espace.
L’ESA veut poursuivre le développement et l’amélioration des services de Space Rider, un vaisseau spatial réutilisable 5 fois avec la capacité de ramener des charges utiles depuis l’espace vers la Terre.
Le Port Spatial de l’Europe (Centre Spatial Guyanais) devrait être modernisé pour garantir des opérations durables et respectueuses de l’environnement et se préparer aux vols spatiaux habités et aux lancements d’acteurs privés.
Le transport spatial humain est depuis longtemps la marque de toute puissance spatiale de premier plan. L’Europe doit décider de son engagement et de son niveau d’indépendance dans ce nouveau domaine économique et stratégique émergent.
Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA
Science
Pour l’ESA, l’exploration du Système Solaire, étudier les événements les plus violents du cosmos, rechercher les exoplanètes, observer l’Univers sombre et plus encore, reste dans le programme scientifique de classe mondiale de l’ESA sur la base du ‘Cosmic Vision 2015–2025‘.
L’ESA prépare le prochain programme ‘Voyage 2050’.
Télécommunications et applications intégrées
L’ESA propose de développer la sécurité civile depuis l’espace pour permettre aux gouvernements européens et aux intervenants d’urgence d’agir rapidement et de manière décisive en créant un réseau spatial intelligent, interconnecté, rapide et sécurisé pour la gestion des crises en temps réel, y compris les menaces à des infrastructures cruciales, telles qu’une cyberattaque. Le système utilisera l’initiative de connectivité sécurisée proposée par la Commission européenne.
Opérations spatiales
L’ESA propose de réduire les coûts des opérations de ses satellites sans perte de performance avec de nouvelles capacités de segment sol, dont une nouvelle antenne pour l’espace lointain en Australie.
L’ESA veut développer des techniques innovantes dans les opérations, y compris la mise en œuvre d’outils d’intelligence artificielle en développement avec l’industrie européenne.
L’ESA veut développer un nouveau centre d’opérations de mission en cybersécurité dans le cadre d’une initiative de renforcement à l’échelle de l’ESA de la sécurité de ses missions dans un monde incertain.
Commercialisation de l’espace
Dans le monde entier, des organisations publiques et privées participent désormais conjointement aux programmes spatiaux. L’industrie spatiale subit un changement de paradigme avec de nombreuses possibilités d’utilisation commerciale. Avec le programme ‘Scale Up‘, l’ESA veut permettre et accélérer la commercialisation spatiale européenne et accompagner les entrepreneurs en attirant les investisseurs.
Son objectif est de permettre à l’industrie de prendre plus de risques, d’innover et de se rendre sur le marché plus rapidement.
En 1975, la création de l’Agence spatiale européenne a signalé au monde la volonté et la capacité de l’Europe en matière de capacités spatiales. Beaucoup de choses se sont produites depuis, et l’ESA a remporté de nombreux succès mondiaux exceptionnels. Nous sommes maintenant à un carrefour où il n’a jamais été un moment plus critique pour nous engager à nouveau dans nos priorités. Lorsque l’espace avance, d’autres industries en bénéficient. En investissant judicieusement maintenant, au CM22, les États membres de l’ESA répondent aux besoins futurs de leurs citoyens.
Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA
J’ai cité plusieurs projets dans cet article que j’espère pouvoir détailler dans de futurs articles.