Ariane 6 : succès du premier vol commercial et mise en orbite du satellite militaire CSO-3
Le deuxième vol d’Ariane 6 était très important à plusieurs titres : réaliser un sans-faute pour le premier vol commercial et assurer la mise sur orbite d’un satellite militaire stratégique, CSO-3. Et c’est réussi !
Second vol d’Ariane 6 réussi
Après le vol inaugural majoritairement réussi le 9 juillet 2024, le second vol d’Ariane 6 était attendu. Il constituait le premier vol opéré commercialement par Arianespace. C’est aussi le premier vol de 2025 depuis le Centre Spatial Guyanais.
Le lancement devait initialement avoir lieu le lundi 3 mars mais une anomalie sur une vanne d’avitaillement d’un réservoir en ergols avait reporté le décollage à moins de 30 minutes du T0. Après investigations et réparations, le lancement avait été reporté au 6 mars.

Le lanceur en version 62 (2 boosters à poudre) a décollé à 16h24 UTC ce jeudi 6 mars. La fenêtre de tir était instantanée car l’orbite visée était héliosynchrone (SSO).
Ariane 6 décolle très vite. Même si le mauvais temps guyanais nous empêchait d’avoir de belles images depuis le sol, les caméras embarquées nous permettaient de suivre toutes les étapes du vol :
T0 +2 min 18 s : Séparation des boosters d’appoint
T0 + 4 min 30 s : Séparation de la coiffe
T0 +7 min 46 s : Séparation de l’étage principal
Le passager du vol, le satellite CSO-3 a été largué après un peu plus d’une heure de vol, sur l’orbite visée.
Le second étage d’Ariane 6 a été correctement désorbité pour ne pas rester un débris sur orbite. Le moteur Vinci et l’APU (qui avait mal fonctionné sur le premier vol) ont tous les 2 effectué un troisième allumage à cet effet.
Ce 263e lancement de la famille Ariane (VA 263) marque le retour à l’autonomie d’accès à l’espace pour l’Europe. Une nécessité en ces temps troublés, pour lancer en toute indépendance des satellites européens.
Quatre autres lancements Ariane 6 sont prévus en 2025 : Le satellite météorologique METOP-SG-A1 sera lancé sur le second vol commercial (VA 264) d’Ariane 6 en août. Sentinel-1D, le satellite d’observation de la Terre du programme Copernicus, sera lancé au 2e semestre 2025. À l’automne, Ariane 6 déploiera un premier lot de satellites de télécommunications en orbite basse Kuiper d’Amazon. Il s’agira du premier des 18 vols signés avec le géant américain. Ce sera aussi le premier vol de la version lourde d’Ariane 6 (A64) équipée de quatre boosters latéraux. En fin d’année, Ariane 6 mettra en orbite 2 nouveaux satellites européens de navigation Galileo.
Les nouveaux yeux spatiaux des armées françaises
La seule charge utile embarquée pour ce vol VA 263 est le satellite d’observation militaire français CSO-3 (Composante Spatiale Optique), le troisième et dernier de la série de satellites de reconnaissance optique pour les armées françaises.
Les satellites CSO ont été conçus sous maîtrise d’ouvrage de la Direction générale de l’armement (DGA), qui a délégué la gestion du programme au Centre national d’études spatiales (CNES). CSO-1 a été lancé en décembre 2018 et CSO-2 a été mis sur orbite en décembre 2020. L’ensemble des 3 satellites CSO remplacent les satellites Helios 2A et Helios 2 lancés en 2004 et 2009 avec des capacités accrues.
D’une masse de 3,5 tonnes environ, ce satellite a été intégré par Airbus Defence and Space à Toulouse, qui fournit la plateforme, l’avionique et également le segment sol utilisateur. CSO-3 est équipé d’une charge utile optique THR (Très Haute Résolution) fournie par Thales Alenia Space. Il rejoindra une orbite circulaire à 800 km d’altitude (inclinaison 98°), comme CSO-1. Sa durée de vie est de 10 ans minimum.
Prévu pour une mise en orbite en 2021, CSO-3 a subi plusieurs aléas : En raison du retard d’Ariane 6, le satellite devait passer sur Soyouz ST (version guyanaise du lanceur russe) fin 2022. Mais à cause du conflit en Ukraine, le satellite a été stocké chez Airbus DS (le panneau solaire chez TAS) jusqu’à la disponibilité du lanceur.
CSO-1 et 3 effectuent des missions de reconnaissance dite THR (Très haute résolution) à 800 km d’altitude, tandis que CSO-2 est à 480 km d’altitude pour des missions d’identification dite EHR (Extrêmement haute résolution), fournissant des images dans les longueurs d’onde visibles et infrarouges, d’une résolution de moins de 20 cm (information classifiée), donc de jour comme de nuit, via les stations sol de Creil (DRM) et Kiruna en Suède.
Le centre de contrôle des satellites CSO est basé au CNES à Toulouse. Les opérations satellites sont réalisées conjointement par le CNES et le Commandement de l’espace (CDE).
Avec 3 satellites en orbite, le taux de revisite [fréquence de passage du satellite sur une cible] sera d’au moins 24 heures, avec une capacité de 800 images par jour, soit un facteur 10 par rapport à la génération de satellites précédents. Le système CSO est capable de détecter pr exemple des liquides dans des cuves ou encore la présence d’un avion dans un hangar ou un char sous un filet de camouflage grâce aux traces infrarouges laissées.
Les satellites CSO permettent aux armées françaises et européennes partenaires le recueil de renseignements non intrusifs, l’appui aux opérations militaires et aux services de renseignement, avec par exemple l’émission de cartes réactualisées en permanence.
La flotte de satellites CSO fournit des informations géospatiales de résolution extrêmement haute aux forces armées françaises et à leurs partenaires dans le cadre du programme MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation). Huit pays ont depuis rejoint la communauté CSO à travers des accords bilatéraux de coopération : L’Allemagne (2015), la Suède (2015), la Belgique (2017), l’Italie (2019), l’Espagne (2021), la Suisse (2023), la Pologne (2024) et la Grèce (2024). Ce programme inclut trois composantes spatiales optiques (les satellites CSO), un segment sol de mission, ainsi qu’un segment sol utilisateur, permettant l’accès aux satellites allemands SARah, et avec le déploiement du CIL (Common Interoperable Layer), aux satellites italiens Cosmo SkyMed Second Generation (CSG).

La réussite de lancement de ce nouveau satellite était cruciale dans le contexte géopolitique actuel. Félicitations à toutes les équipes impliquées dans le lancement et le satellite.
Pour compléter : Présentation CSO-3 par le CNES
Sources diverses : DGA, CNES, Airbus Space, ESA.
