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MEV-1 ou le début de la maintenance des satellites en orbite ?

Le 25 février 2020, un petit satellite, MEV-1, s’est amarré pour la première fois à un autre satellite, Intelsat-901, en orbite géostationnaire.

A gauche le système d’amarrage de MEV-1 se déploie pour se connecter au satellite IS-901 (crédit Northrop Grumman)

C’est Northrop Grumman, par l’intermédiaire de sa filiale SpaceLogistics (SSL), qui a effectué ce premier amarrage entre 2 satellites commerciaux, dont l’un n’était pas du tout conçu à l’origine pour cet amarrage.

MEV le remorqueur de l’espace

MEV-1 pour Mission Extension Vehicle-1 (véhicule d’extension de mission) est le premier modèle d’engins conçus pour accoster des satellites géostationnaires dont le carburant est presque épuisé. Une fois connecté à son satellite client, MEV utilise ses propres propulseurs et son propre approvisionnement en carburant pour prolonger la durée de vie du satellite. MEV fournit la propulsion mais aussi le contrôle d’attitude. Lorsque le client ne désire plus le service MEV, le véhicule se désamarre et passe au prochain satellite client.

A noter que le satellite cible n’a pas besoin d’avoir été conçu pour l’amarrage, le système de docking du MEV étant un système mécanique à faible risque qui se fixe aux fonctionnalités existantes sur le satellite client.

MEV-1 a été développé et construit par Northrop Grumman à Dulles, en Virginie, avec une assistance technique de la NASA, mais le gouvernement américain n’aurait fourni aucun financement. La NASA aurait assisté l’industriel dans les opérations de rendez-vous, la gestion des décharges électrostatiques entre les satellites, la formation des opérateurs en robotique et le développement de systèmes de propulsion électrique, selon la NASA.

MEV-1 a été lancé le 9 octobre 2019 par une fusée Proton qui l’a placé sur une orbite de transfert GEO super-synchrone inclinée de 12 000 x 65 000 km.

Orbites respectives de MEV-1 et Intelsat-901 peu après le lancement de MEV-1 (crédit R. Christy)

MEV-1 a commencé à “circulariser” son orbite à l’aide de sa propulsion électrique.

Intelsat a retiré son satellite Intelsat-901 (IS-901) de ses satellites opérationnels en décembre 2019 après 18 ans d’activités, transférant ses clients vers d’autres satellites de sa flotte. Son orbite opérationnelle se situait environ à 35 800 km d’altitude. En prévision de l’amarrage, IS-901 avait alors été positionné sur une orbite cimetière 300 kilomètres environ au-dessus de cette position. En cas d’accident lors de l’amarrage, cela aurait évité la génération de débris dangereux pour les satellites opérationnels géostationnaires.
Le 28 janvier 2020, le système de propulsion électrique du MEV-1 a été éteint. À l’époque, Intelsat-901 était sur une orbite circulaire de 36 073 km. Le MEV-1 était 225 km plus haut et sur une orbite légèrement excentrique, ce qui le faisait osciller entre environ 500 et 2 000 km d’Intelsat.

Image du satellite Intelsat-901 depuis MEV-1 (crédit Northrop Grumman)

MEV-1 a commencé des manœuvres pour abaisser son orbite pour son rendez-vous avec IS-901. Le fonctionnement quasi continu du système de propulsion électrique du MEV-1 a eu pour effet d’élever le périgée et d’abaisser simultanément l’apogée. En même temps, il a réduit son inclinaison orbitale et déplacé l’ascension droite du nœud ascendant de l’orbite pour correspondre à celle d’IS-901. MEV-1 a ainsi lentement convergé IS-901 vers le 5 février.

Ce graphique montre comment l’apogée et le périgée de l’orbite du MEV-1 ont convergé sur celle d’Intelsat-901. Le 31 janvier, les deux satellites étaient appariés en hauteur d’orbite mais avec une différence mineure d’excentricité orbitale (crédit R. Christy)

MEV-1 est ensuite passé sur une propulsion chimique classique pour s’approcher d’IS-901, et pour s’arrêter à 80 mètres puis 20 mètres de sa cible. Après l’autorisation d’amarrage donné à MEV-1, c’est le système de navigation, un capteur de télémétrie à balayage LIDAR et des caméras infrarouges et visibles, qui a permis le docking automatique à IS-901. Les capteurs de navigation embarqués sur le MEV sont similaires aux aides aux rendez-vous utilisées sur les cargos de ravitaillement Cygnus de Northrop Grumman.

Image de IS-901 à 20 mètres depuis MEV-1 (crédit Northrop Grumman)

Un “aiguillon” a ensuite été lancé dans la buse du moteur principal d’Intelsat 901, le moteur d’apogée qui a cessé de fonctionner après la circularisation de l’orbite d’IS-901 peu après son lancement en 2001.

L’aiguillon de MEV-1 rentre dans la buse du moteur d’apogée d’IS-901 (crédit Northrop Grumman)

Deux bras mécaniques ont après coup attrapé IS-901 pour rapprocher les 2 satellites.

Test au sol du système d’amarrage de MEV-1 (à gauche) sur la buse d’un satellite de télécommunications géostationnaire (à droite (crédit Northrop Grumman)

Après des tests en orbite, IS-901 devrait revenir dans la flotte opérationnelle d’Intelsat en avril à 27,5 degrés de longitude ouest. MEV-1 devrait fournir 5 ans d’extension de vie à IS-901 avant de ramener le satellite sur l’orbite cimetière des satellites géostationnaires.

Une fois amarré, MEV prend en charge la maintenance d’attitude et d’orbite des 2 satellites joints pour répondre aux exigences de pointage et de maintien à poste du client. MEV est conçu pour plusieurs amarrages et désamarrages et peut fournir plus de 15 ans de services d’extension de la vie.

MEV-1 en salle blanche. Au centre le harpon, les propulseurs électriques sont les carrés blancs en position repliées (crédit Northrop Grumman)

MEV-2 sur le prochain lancement d’Ariane 5

La société devrait lancer son deuxième véhicule d’extension de mission, MEV-2, plus tard cette année (en juin ?) à bord d’une Ariane 5 en co-passager du satellite Galaxy-30 de Northrop Grumman. MEV-2 devrait également s’amarrer à un satellite d’Intelsat.

Le MEV 2 pourrait être également équipé pour transporter des charges utiles hébergées d’entreprises commerciales et de petits satellites qui pourraient être déployés pour des missions scientifiques.

Au-delà de MEV, un marché pour la maintenance en orbite ?

La vision de Northrop Grumman / SpaceLogistic va bien au-delà des MEV. L’entreprise vise à établir une flotte de véhicules d’entretien commerciaux pour répondre à la plupart des besoins de maintenance en orbite comme changer l’inclinaison des satellites pour les placer sur une autre orbite opérationnelle, l’inspection de vaisseaux spatiaux, ainsi que l’utilisation d’une technologie robotique avancée pour effectuer des fonctions supplémentaires telles que la réparation en orbite et l’assemblage.

SpaceLogistic est en train de développer un système de nouvelle génération, Mission Extension Pods (MEPs)™, qui est un service d’extension de vie plus petit et moins coûteux qui effectue uniquement le contrôle de l’orbite. Les MEP sont installés par un véhicule d’entretien robotisé appelé Mission Robotic Vehicle (MRV)™ qui peut remplir toutes les fonctions d’un MEV tout en ajoutant de nouvelles capacités robotiques pour des services supplémentaires.

Maxar, un concurrent de Northrop Grumman, développe la mission de démonstration de maintenance des satellites Restore-L sous contrat avec la NASA qui vise à ravitailler un satellite d’imagerie terrestre Landsat en orbite basse. La mission Restore-L est plus complexe sur le plan technique et implique le transfert de carburant et une démonstration de fabrication et d’assemblage dans l’espace avec des bras robotiques.

Les grands industriels européens, Airbus Space et Thales Alenia Space ont également leur projet de In-Orbite Service : respectivement O. CUBED et Space START.

O. CUBED sera sans doute basé sur l’expérience acquise d’Airbus Space avec l’ATV et aussi le démonstrateur RemoveDebris en 2018.

En 2018, le directeur de Thales Alenia Space annonçait que “l’engin de l’entreprise pourrait effectuer des missions de ravitaillement de satellites, d’inspection d’objets spatiaux, de retrait de débris et de désorbitation de satellites, avec un premier vol de démonstration en 2022”.

In-Orbit Servicing ©Thales Alenia Space/Master Image Programmes

Le concept de remorqueur de l’espace pourrait être aussi très intéressant dans le cadre de la gestion des débris spatiaux, et c’est d’ailleurs dans cet objectif que l’ESA réfléchit également à un projet de remorqueur de l’espace : e.Deorbit.

Projet e.deorbit de l’ESA pour récupérer un satellite débris sur orbite

Le concept de remorqueur de l’espace, space tug en anglais, n’est pas nouveau. Les cargos russes Progress par exemple effectuent cette mission régulièrement sur l’ISS en réhaussant l’orbite de la Station et lui fournissant du carburant. L’ATV européen en a fait de même en son temps, et la Chine en a fait de même avec son véhicule Tianzhou-1. Mais c’est la première fois ce 25 février que le remorquage spatial a été réalisé sur un satellite commercial.
Y-a-t-il un réel marché de maintenance en orbite ? Si la réduction des coûts de lancement se confirme, on verra quelle option choisiront les opérateurs de satellites géostationnaires : prolonger d’un satellite déjà sur orbite ou lancer un nouveau satellite ? Par contre, le nettoyage des débris spatiaux aura très probablement besoin des technologies mises en oeuvre pour ce type de mission de rendez-vous.

Source principale : le site de Northrop Grumman, site de l’ESA, site Airbus, site TAS

Source des données des orbites de MEV-1 et IS-901

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