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Katherine Johnson, une figure sortie de l’ombre un peu tard

Katherine Johnson est l’une des personnes qui a contribué aux débuts de la conquête spatiale du côté américain. Elle vient de décéder ce 24 février à l’age de 101 ans.

Pour ma part, je l’ai découverte en 2017 lors de la sortie du film “The hidden figures” [Les figures de l’ombre] tiré du livre éponyme de Margot Lee Shetterly. 

Cela fait longtemps que je voulais parler de ces femmes de l’ombre, rarement mises en avant lors des programmes spatiaux. Malheureusement, c’est l’actualité de ce 24 février qui me pousse à rédiger ce post pour rendre hommage à l’une d’entre elles qui vient de disparaître.

Katherine Johnson en 2017 lors de l’inauguration d’un bâtiment en son nom au centre de recherche informatique de Langley (crédit NASA)

Katherine Coleman (Johnson est son nom d’épouse de son 2e mariage) est née le 26 août 1918, jour de l’égalité des femmes aux Etats Unis (Women’s Equality Day), jour de célébration du droit de vote des femmes américaines.

Elle obtient son diplôme d’études secondaires à l’âge de 14 ans malgré la difficulté qu’aucune école publique locale ne soit disponible pour les étudiants noirs. Elle suit ensuite tous les cours de mathématiques disponibles au collège de West Virginia State, un collège historiquement noir. Il faut rappeler que la séparation sociale entre les Noirs et les Blancs était légale dans les états du Sud des Etats-Unis comme la Virginie jusque dans les années 60.

Katherine Coleman fut encadrée par William W.S. Claytor, le 3ème Américain noir à obtenir un doctorat en mathématiques et le premier à publier dans une revue de recherche mathématique.

Elle est diplômée à 18 ans avec des diplômes en mathématiques et en français.

Ordinateur humain

Après quelques années en tant qu’enseignante dans une école publique noire en Virginie, et en tant que mère au foyer, Katherine, alors Goble par son premier mari, commence à travailler en 1953 dans la section informatique entièrement noire de la zone Ouest au laboratoire Langley du National Advisory Committee for Aeronautics (Comité consultatif national de l’aéronautique) ou NACA, l’ancêtre de la NASA.

Des femmes “ordinateurs” blanches (alors un titre d’emploi, avant l’avènement des ordinateurs électroniques d’aujourd’hui) travaillaient déjà pour le NACA dans son centre fondateur, le laboratoire Langley à Hampton, en Virginie, comme cela était vrai dans d’autres organisations scientifiques et d’ingénierie aux États-Unis. Ces femmes utilisaient de grandes calculatrices mécaniques de bureau et élaboraient un travail de calcul complexe mais souvent fastidieux afin que les aérodynamiciens hommes puissent se concentrer sur la science […]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une pénurie de main-d’œuvre a forcé Langley à embaucher des femmes de couleur pour ces postes. Le laboratoire a créé une unité distincte, West Computing, pour les femmes noires. Elles avaient généralement des diplômes en mathématiques et n’avaient alors aucune autre option dans le Sud que dans des emplois d’enseignants mal payés dans des écoles noires.

Un dessin technique de la cafétéria de la zone ouest du Langley Research Centre (bâtiment 1227) de 1944 à 1948 montrant les salles à manger séparées “white” et “colored” (crédit NASA)

Katherine Johnson, remariée après le décès de son premier mari, travaille à la NASA à partir de 1958 en accompagnant les ingénieurs du Space Task Group, le groupe qui devait définir les premiers vols habités spatiaux américains.

Elle a fait une analyse de trajectoire pour la mission Freedom 7 d’Alan Shepard en mai 1961, le premier vol spatial suborbital américain. 

En 1960, elle et l’ingénieur Ted Skopinski sont coauteurs de Determination of Azimuth Angle at Burnout for Placing a Satellite Over a Selected Earth Position, un rapport présentant les équations décrivant un vol spatial orbital dans lequel la position d’atterrissage du vaisseau spatial est spécifiée. C’était la première fois qu’une femme de la Division de la recherche en vol recevait un crédit en tant qu’auteur d’un rapport de recherche. Elle a écrit ensuite 25 autres articles scientifiques.

Katherine G. Johnson at Work
La mathématicienne de la NASA, Katherine Johnson, est photographiée à son bureau du NASA Langley Research Center avec un globe, ou «Celestial Training Device», en 1962 (crédit NASA)

Elle revérifie les calculs informatiques du premier vol orbital américain

En 1962, alors que la NASA se préparait pour la mission orbitale de John Glenn, et que le centre avait installé le premier grand ordinateur central IBM, Katherine Johnson fut appelée à faire le travail pour lequel elle deviendrait la plus connue.

N’étant pas à l’aise de voir son destin dépendre d’une machine, John Glenn a demandé que Katherine Johnson revérifie personnellement les calculs effectués par ces nouveaux ordinateurs électroniques avant son vol à bord du vaisseau Friendship 7. Le travail prit plusieurs semaines à Katherine Johnson, mais John Glenn deviendra le premier Américain à orbiter autour de la Terre sans aucun souci de trajectoire.

Katherine Johnson au NASA Langley Research Center en 1971 (crédit NASA)

Une reconnaissance tardive

Katherine Johnson a participé ensuite aux calculs qui ont aidé à synchroniser le module lunaire du projet Apollo avec le module de commande et de service en orbite lunaire.

Après avoir participé au programme des vols des Navettes Spatiales américaines, Katherine Johnson prend sa retraite en 1986.

Ce n’est qu’en 2015 que le président américain Barack Obama lui remet la Médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile américaine.

Katherine Johnson a reçu en 2015 des mains de Barack Obama la médaille de la Liberté, plus haute distinction civile américaine (crédit AFP)

Un modèle pour les carrières STEM

Katherine Johnson a souvent parlé aux étudiants de sa carrière et les a encouragés à poursuivre une carrière dans les STEM, Science, Technologie, Ingénierie [engineering en anglais] et Mathématiques :  «Nous aurons toujours des STEM avec nous. Certaines choses vont disparaître, mais il y aura toujours la science, l’ingénierie et la technologie. Et il y aura toujours, toujours des mathématiques. Tout est physique et mathématique. »

Poster créé pour la Marche pour la Science du 22/04/2017 par Amanda Phingbodhipakkiya

Katherine Johnson restera à jamais une femme de science qui aura été longtemps mise dans l’ombre de ses collègues masculins, comme beaucoup d’autres.

La biographie officielle de Katherine Johnson sur le site de la NASA

Le directeur actuel de la NASA lui a rendu hommage sur Twitter :

https://twitter.com/JimBridenstine/status/1231946829962584065?s=20

Image de couverture : crédit Women in Science by NASA Chandra

Une réflexion sur “Katherine Johnson, une figure sortie de l’ombre un peu tard

  • Michel Clarisse

    NB : il y eut tout de même trois problèmes durant la mission MA-6 :

    “Three problems occurred during the flight. First, a yaw thruster was causing attitude control problems, forcing the astronaut to abandon the automatic control system for the manual electrical fly-by-wire system. Second, a faulty switch in the heat shield circuit indicated that the clamp holding the shield had been prematurely released – a signal later found to be false. During reentry, however, the retropack was not jettisoned but retained as a safety measure to hold the heat shield in place in the event it had loosened. If the signal had been correct, John Glenn would have not survived this flight. Moreover, the temperature in John Glenn’s spacesuit was too warm. During the landing the astronaut could not manually control the ship, while more and more fuel was being lost. John Glenn decided to deploy the drogue chute manually to regain attitude stability. Just before he reached the switch, the drogue chute opened automatically at 8,5 km (not as planned 6,5 km), but in any case the spacecraft regained stability.” (source : spacefacts.de)

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