Rêves d'Espace

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Mars

Insight : pour écouter battre le cœur de Mars

Ce titre dont l’auteur est l’agence spatiale francaise, le CNES, résume très bien à lui seul la prochaine mission d’atterrissage sur Mars : Insight, pour Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport, soit exploration de l’intérieur (de Mars) en utilisant des sondages sismiques, la géodésie et le flux thermique.

L’exploration de Mars n’est pas nouvelle. Depuis les années 60 et les premières tentatives ratées de l’Union Soviétique, puis le succès du survol de Mars par la sonde Mariner 4 de la NASA en 1964, ce sont 47 missions martiennes qui ont été tentées (hors survols) mais près des 2/3 ont échoué (au lancement, mises sur orbite ratées, crash à l’atterrissage, mission écourtée).

Les missions martiennes de 1960 à 2017 (credit NASA / JPL / USGS / Roscosmos / JAXA / ESA / ISRO / Jason Davis / The Planetary Society)

Insight, première mission à étudier l’intérieur de Mars

Mars passionne depuis longtemps les Terriens car c’est la planète la plus proche de la nôtre et elles partagent quelques similitudes, dont le fait d’être des planètes rocheuses. La planète rouge s’est formée il y a 4,5 milliards d’années. Etudier Mars, son atmosphère et son sol, c’est aussi mieux comprendre la formation du Système Solaire et donc de la Terre. L’étude du climat martien, c’est aussi tester des modèles climatiques pour la Terre sur un modèle plus simple qu’est Mars. Les données peuvent aussi aider à la recherche d’exoplanètes semblables à la Terre.

La planète Mars en chiffres (source Agence Spatiale Canadienne)

Actuellement, 2 rovers, Opportunity et Curiosity, et 6 orbiteurs, Mars Odyssey, Mars Express, Mars Reconnaissance Orbiter, Mars Orbiter Mission, MAVEN,et Exomars 2016 / Trace Gas Orbiter, participent à l’étude de Mars.

Mais aucune des missions actuelles ou passées n’a permis d’avoir des données sismiques sur Mars, alors que l’activité géologique était probablement intense sur la planète durant son premier milliard d’années, en raison de la tectonique associée au volcanisme et aux points chauds. Cette activité a depuis diminué, malgré le fait que certaines coulées de lave sur Elysium Mons sont connues pour avoir moins de dix millions d’années.

InSight prendra les «signes vitaux» de Mars: son pouls (sismologie), sa température (flux de chaleur) et ses réflexes (“radio science”).

Les scientifiques ont vu nombre de preuves suggérant que Mars connaît des tremblements de terre. Mais contrairement aux tremblements sur Terre, qui sont principalement causés par les plaques tectoniques qui se déplacent, les tremblements de terre martiens, ou “marsquakes”, seraient causés par d’autres types d’activité tectonique, tels que le volcanisme et les fissures qui se forment dans la croûte terrestre. De plus, les impacts de météores peuvent créer des ondes sismiques. InSight tentera de les détecter.

Chaque tremblement de terre serait comme un flash qui illumine la structure de l’intérieur de la planète. En étudiant comment les ondes sismiques traversent les différentes couches de la planète (la croûte, le manteau et le noyau), les scientifiques peuvent déduire la profondeur de ces couches et de quoi elles sont faites. Ainsi, la sismologie peut être vue comme une radiographie de l’intérieur de Mars.

Les scientifiques pensent qu’il est probable qu’ils verront entre une douzaine et une centaine de “marsquakes” au cours de deux années terrestres. Les tremblements de terre ne devraient pas dépasser 6,0 sur l’échelle de Richter, ce qui serait une source d’énergie suffisante pour révéler des secrets sur l’intérieur de la planète.

L’objectif d’Insight est d’en savoir plus également sur la croûte de la planète rouge qui est épaisse de 35 à 65 km.

Insight : un mélange de technologies éprouvées et innovantes

Insight est basé sur l’architecture de l’atterrisseur Mars Polar Lander qui s’est écrasé sur Mars en décembre 1999 et sur celle de la sonde Phoenix qui s’est posée avec succès en mai 2008. Cela a permis de réduire les coûts de cette nouvelle mission subventionnée à 90% par la NASA et 10% par le CNES.

Insight en cours de tests en mars 2018 à la base de lancement de Vandenberg (Credit: USAF 30th Space Wing/Alex Valdez)

Comme Phoenix, l’atterrisseur se posera en plusieurs étapes : un bouclier thermique permettra la rentrée dans l’atmosphère martienne puis un parachute stabilisera la descente et le freinera un peu plus, puis le bouclier sera largué et des propulseurs s’allumeront pour le freiner et atterrir en douceur sur ses trois pieds [je reviendrai dans un prochain article sur l’atterrissage].
Insight doit se poser sur une zone appelée Elysium Planitia un peu au nord de l’équateur de Mars à environ 600 km du cratère Gale où se trouve le rover Curiosity.

Zones d’atterrissage des différents rovers martiens dont celle que devrait atteindre Insight en novembre 2018 (credit NASA/JPL-CALTECH)

80% de la charge utile de la mission Insight est non américaine. Une première pour une mission de la NASA !

L’atterrisseur est équipé de 3 instruments :

  • SEIS pour Seismic Experiment Interior Structure, l’instrument principal d’Insight pour la mesure antisismique de la croûte de la planète Mars,
  • RISE pour Rotation and Interior Structure Experiment, qui utilise l’effet Doppler pour observer la structure interne de la planète,
  • HP3 pour Heat flow and Physical Properties Package, une sonde qui s’enfoncera jusqu’à 5 mètres dans le sous-sol pour une mesure de la température
Les instruments et différents composants de la mission Insight (credit NASA/JPL-CALTECH)

Il y a également 2 caméras, un magnétomètre FluxGate et une petite station météo, APSS (Auxiliary Payload Sensor Suite) comprenant un baromètre, un anémomètre, un thermomètre et un réflecteur laser, LaRRI (Laser RetroReflector for InSight) [détails sur https://www.seis-insight.eu/]

Même si Insight est basé sur des technologies déjà éprouvées (Mars Polar Lander et Phoenix), il y a toutefois plusieurs innovations dont SEIS en est la principale. L’instrument a été développé par le CNES associé à l’Institut de physique du globe de Paris, l’Université de Paris Diderot Sorbonne et plusieurs laboratoires de recherche français et européens.

Si tout se passe bien, SEIS deviendra le premier sismomètre fonctionnel sur Mars. En effet, les sismomètres des missions Viking 1 et 2 n’ont pas fonctionné. Comme pour les cinq sismomètres installés sur la Lune pendant les missions Apollo, ce type d’instrument est complémentaire aux mesures effectuées par les rovers comme Curiosity pour l’analyse des roches de surface ou aux échantillons lunaires ramenés sur Terre. Il devrait être 10 fois plus précis que les sismomètres du programme Apollo.
La principale difficulté technique sera le déploiement du sismomètre pour le déposer à même le sol martien [je reviendrai dans un prochain article sur l’atterrissage].
L’instrument sera placé sous cloche afin de le mettre à l’abri des poussières et du vent mais aussi des écarts de température à la surface pendant les nuits ou les journées martiennes.

Plus de détails sur le site de l’instrument SEIS en français.

Le sismomètre SEIS : de l’extérieur vers le centre, on distingue le bouclier thermique et éolien WTS, l’enveloppe de protection thermique RWEB, puis l’enceinte de confinement sphérique qui protège les pendules VBB. Le berceau de mise à niveau motorisé ainsi que les capteurs de courte période sont également visibles (© IPGP/David Ducros).

Le chemin n’aura pas été de tout repos avant ce lancement dont la fenêtre de tir commence le 5 mai 2018. Au départ, le décollage était prévu en 2016 mais un problème technique est venu le retarder.
Les trois pendules ultra-sensibles, qui détecteront les plus infimes mouvements de la surface martienne à l’intérieur de SEIS doivent se trouver dans une sphère en titane totalement sous vide. Fin 2015 il est apparu qu’elle n’était plus hermétique. Après investigations, il s’agissait d’un connecteur qui avait un défaut et faisait entrer de l’air. La NASA a autorisé le report de tir alors quelle aurait pu arrêter complètement la mission.

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A la base Vandenberg en Californie, installation du bouclier thermique sur Insight avant sa mise sous coiffe (credit USAF 30th Space Wing/Aaron Taubman)>

Un lancement inédit pour la NASA : depuis la côte Ouest

La période de lancement de la mission est du 5 mai au 8 juin 2018, avec des fenêtres de lancement quotidiennes qui durent deux heures par jour.

InSight doit décoller depuis la base de Vandenberg en Californie sur une fusée Atlas V-401 fournie par United Launch Alliance (ULA). L’Atlas V est l’une des plus grosses fusées actuelles pour le vol interplanétaire.

Depuis sa première tentative en 1962, la NASA a lancé toutes ses missions à destination des planètes, des astéroïdes et des comètes depuis la base de Cap Canaveral et le centre spatial Kennedy en Floride. L’utilisation du site de lancement de la côte Est était une nécessité (au moins dans la plupart des cas) pour tirer profit de la rotation de la Terre. En se dirigeant vers l’est, en particulier à partir d’un site proche de l’équateur, le vaisseau spatial gagne en vitesse grâce à la gravité terrestre, suffisamment pour que les fusées et leurs systèmes de propulsion puissent être placés sur une orbite extra-terrestre.

La puissance de l’Atlas V permet de lancer InSight depuis les 2 côtes. Vandenberg a finalement été choisi parce que le site avait plus de disponibilité pendant la période de lancement d’InSight. La trajectoire initiale sera sud-sud-est.

Profil de mission

Deux autres passagers décolleront à bord de l’Atlas 5 : deux cubesats de relais de communication, appelés Mars Cube One (MarCO) [je reviendrai après le lancement sur ces cubesats].

Profil de mission pour l’Atlas 5 (credit ULA)

Suivez en direct le décollage de la mission Insight depuis le site de la Cité de l’espace de Toulouse: http://www.cite-espace.com/actualites-spatiales/lancement-insight-2018/

Une réflexion sur “Insight : pour écouter battre le cœur de Mars

  • Michel Clarisse

    A noter qu’il y a un peu plus d’un mois, deux nouveaux petits satellites ont été découverts autour de Jupiter. Ces deux petites lunes joviennes ont été nommées provisoirement Saperlipopette et Carabistouille.

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