Rêves d'Espace

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Exploration lointaine

Collecte d’échantillons de l’astéroïde Bennu réussie pour OSIRIS-REx

Ce 20 octobre 2020, la sonde américaine Osiris-Rex a réalisé sa mission principale : récolter des échantillons sur l’astéroïde Bennu.

Capturée le 20 octobre lors de l’événement de collecte d’échantillons Touch-And-Go (TAG) de la mission OSIRIS-REx, cette série de 2 images montre le champ de vision de l’imageur SamCam au moment avant et après la collecte sur la surface de l’astéroïde Bennu (crédit : NASA/Goddard/University of Arizona)

Objectif : l’étude d’un astéroïde géocroiseur et vestige de la création du Système Solaire

OSIRIS-Rex pour Origins-Spectral Interpretation-Resource Identification-Security-Regolith Explorer (origines – interprétation des spectres – détermination des ressources – sécurité – explorateur de régolithe) est une mission de la NASA dont l’objectif est de faire un retour d’échantillons d’un astéroïde sur Terre en 2023.

Les 5 étapes du voyage d'Osiris-Rex : lancement en 2016, vol de croisière entre 2016 et 2018, cartographie de l'astéroïde Bennu en 2019, collecte d'échantillons en 2020 et retour sur Terre des prélèvements en 2023 (credits Lockheed Martin Corporation)
Les 5 étapes du voyage d’Osiris-Rex : lancement en 2016, vol de croisière entre 2016 et 2018, cartographie de l’astéroïde Bennu en 2019, collecte d’échantillons en 2020 et retour sur Terre des prélèvements en 2023 (credits Lockheed Martin Corporation)

La mission spatiale a débuté le 8 septembre 2016 avec le décollage de la sonde à bord d’une fusée Atlas 5 depuis Cap Canaveral en Floride.

Après 2 ans de voyage, en décembre 2018, O-Rex, comme l’appellent certains, est arrivé sur sa cible, l’astéroïde Bennu [article Osiris-Rex : début de l’étude de l’astéroïde Bennu].

Ensemble d’images montrant l’astéroïde Bennu en rotation pendant une révolution complète. Sur une période de quatre heures et 11 minutes le 2 novembre, la caméra PolyCam d’OSIRIS-REx de la NASA a acquis une image de 2,5 millisecondes tous les 10 degrés de rotation de l’astéroïde. Au moment de l’imagerie, Bennu se trouvait à environ 197 km de la sonde et apparaissait sur environ 200 pixels de large dans le cadre de PolyCam. (Crédit NASA/Goddard/University of Arizona)

Etudier un astéroïde, c’est analyser un des vestiges des composantes de base primitives qui ont mené à la création des planètes telluriques de notre Système Solaire comme la Terre il y a 4,5 milliards d’années.

Bennu est un astéroïde de type B, dont la formation aurait eu lieu il y a 4 milliards d’années, et est donc considéré comme un spécimen primitif rare qui pourrait contenir des molécules organiques. Bennu pourrait donc nous permettre d’en savoir davantage sur l’origine de la vie sur Terre lors de la formation du Système Solaire.

Les instruments d’OSIRIS-Rex en cours d’installation (source : OSIRIS REx Project)

Pendant presque 2 ans, les cinq instruments scientifiques d’Osiris-Rex ont cartographié l’astéroïde et analysé sa surface afin de déterminer ses propriétés spectrales, thermiques et géologiques globales

Pour la sécurité de la Terre

En complément, la sonde a étudié la trajectoire et l’orbite de l’astéroïde Bennu qui fait partie des géocroiseurs. En effet Bennu croise l’orbite de la Terre une fois tous les six ans. Bennu a été découvert en septembre 1999 par le projet Lincoln Near-Earth Asteroid Research (LINEAR), programme de détection des astéroïdes s’approchant de la Terre. 

Parmi les quelque 500 000 astéroïdes et 9 000 géocroiseurs répertoriés, Bennu est l’un de ceux qui représentent la plus grande menace pour l’humanité : les risques qu’il frappe la Terre entre 2175 et 2196 sont de 1/2700. L’astéroïde est potentiellement dangereux car il a un diamètre supérieur à 150 m et se trouve à une distance minimale d’intersection de l’orbite terrestre inférieure à 0,05 Unité Astronomique (ou UA, la distance moyenne entre la Terre et le Soleil). S’il frappait la Terre, le cratère formé mesurerait selon les estimations un peu plus de 4,5 km de diamètre et provoquerait un tremblement de Terre d’une magnitude d’environ 6,7 sur l’échelle de Richter, provoquant des dommages importants, et générant un grand tsunami s’il tombait dans un océan. Un impact de Bennu serait une catastrophe naturelle majeure.

Article : Les astéroïdes : une vraie menace ?

Le temps de la récolte d’échantillon

Après 2 ans d’études de Bennu, il était temps pour Osiris-Rex d’effectuer la collecte de régolithe, la couche superficielle hétérogène couvrant la roche solide, constituée de poussières, de roches brisées et autres matériels connexes, présents à la surface des planètes et satellites naturels sans atmosphère comme Mars et la Lune, mais aussi les astéroïdes.

Mais recueillir un échantillon de Bennu n’est pas un mince défi. Car la cartographie de l’astéroïde, qui mesure 500 mètres de large, a montré qu’il était beaucoup plus rocheux que prévu. Le site d’échantillonnage choisi ne mesure que 16 mètres de diamètre et est entouré de rochers plus gros qu’OSIRIS-REx lui-même. De plus, la séquence de collecte doit se faire en mode automatique car il faut actuellement près de 20 minutes pour que les signaux voyagent entre la Terre et Bennu à la vitesse de la lumière, car la sonde et l’astéroïde se trouvent à plus de 320 millions de kilomètres de la Terre.

Cette image montre le site Nightingale, le site de collecte d’échantillons d’OSIRIS-REx sur l’astéroïde Bennu. L’image est recouverte d’un graphique de l’engin spatial OSIRIS-REx pour illustrer l’échelle du site (Crédit : NASA/Goddard/University of Arizona)

Du coup, plusieurs répétitions de la séquence de récolte ont été faites dans les mois précédents [Osiris-Rex : répétition sur un astéroïde et Osiris-Rex : dernière répétition avant la récolte d’échantillons]

Jour J : 20 octobre 2020

Comme Bennu n’a pratiquement aucune gravité, OSIRIS-REx ne pouvant pas atterrir, la sonde est équipée d’un bras mécanique de 3,35 mètres de long avec à son extrémité le TAGSAM, Touch-and-Go Sample Acquisition Mechanism (“mécanisme d’acquisition d’échantillon touche et repart“) qui effectue la collecte du régolithe.

Les instruments d’Osiris-Rex (crédit Credit: NASA/Goddard/University of Arizona)

La tête d’échantillonnage TAGSAM, de 32 cm de large, projette de l’azote gazeux sur la surface rocailleuse, projetant la poussière et les petites roches dans une chambre de collecte qui tourne autour de l’intérieur de l’appareil.

Principe de fonctionnement de TAGSAM (crédit NASA)

5 heures d’activités pour 6 secondes de récolte

En tout la séquence de recueil des échantillons a duré près de 5 heures [détails sur cette infographie].

Vue d’artiste de la collecte d’échantillon d’Osiris-Rex (crédit: NASA/Goddard/CI Lab)

À 17h50 UTC, OSIRIS-REx a allumé ses propulseurs pour se pousser hors de son orbite autour de Bennu. Il a déplié le TAGSAM, et a commencé à descendre à environ 805 mètres vers la surface. Après une descente de quatre heures, jusqu’à une altitude d’environ 125 mètres, la sonde a exécuté la manoeuvre «Checkpoint», la première de deux manœuvres pour lui permettre de cibler précisément le site de prélèvement d’échantillons.

Pour donner plus de marge de manœuvre à la sonde, ses deux panneaux solaires ont été ensuite orientés vers l’arrière. 

Osiris-Rex en configuration Y avec ses panneaux solaires repliés vers l’arrière (crédit NASA)

Osiris-Rex a ensuite déterminé de façon autonome grâce à son système de navigation Natural Feature Tracking (NFT) sa position exacte en comparant les vues de surface des survols précédents avec des images de caméra en temps réel. Dans le cas où l’ordinateur de bord avait pensé à un crash imminent, il aurait reculé immédiatement [détails de Checkpoint et du NFT dans l’article Osiris-Rex : répétition sur un astéroïde].

Dix minutes plus tard, la sonde a allumé ses propulseurs pour la deuxième manoeuvre «Matchpoint» pour ralentir sa descente et correspondre à la rotation de l’astéroïde au moment du contact [détails sur Matchpoint dans Osiris-Rex : dernière répétition avant la récolte d’échantillons].

Osiris-Rex a ensuite continué une descente de 11 minutes en évitant un rocher, surnommé «Mount Doom» de la taille d’un bâtiment de deux étages, pour “atterrir” sur le site Nightingale, un endroit relativement dégagé dans un cratère de l’hémisphère nord de Bennu.

L’équipe sur Terre a reçu la confirmation à 00h08 UTC (le 21 octobre) que le TAG “Touch and Go” avait réussi. 

Success for NASA's OSIRIS-REx Asteroid Sample Return Mission
Après plus d’une décennie de planification et d’innombrables heures de travail d’équipe, joie pour les opérateurs de Lockheed Martin, constructeur principal de la mission Osiris-Rex (crédit Lockheed Martin)

Les premières données de vol montrent que la tête d’échantillonnage a touché la surface de Bennu pendant environ 6 secondes, à moins d’un mètre de l’emplacement ciblé

Localisation du point de contact de TAGSAM d’Osiris-Rex (crédit NASA/Goddard/University of Arizona)

La sonde se déplaçait à 10 cm/s lorsqu’il a touché le site d’échantillonnage Nightingale, puis s’est éloignée en toute sécurité de Bennu à 40 cm/s.

Capturée le 20 octobre lors de la collecte d’échantillons Touch-And-Go (TAG) de la mission OSIRIS-REx, cette série de 16 images montre le champ de vision de l’imageur SamCam alors que la sonde s’éloigne de la surface de l’astéroïde Bennu après son toucher (crédits: NASA / Goddard / University of Arizona)

Prochaine étape : mettre “au chaud” les échantillons

Désormais les ingénieurs et les scientifiques de la mission OSIRIS-REx utilisent plusieurs techniques pour identifier et mesurer à distance la quantité de matière prélevée.

Deux jours après avoir “atterri” sur l’astéroïde Bennu, l’équipe a reçu le jeudi 22 octobre des images qui confirment que la sonde a collecté plus qu’assez de matériel pour répondre à l’une de ses principales exigences : acquérir au moins 60 grammes du matériau de surface de l’astéroïde. Ils sont arrivés à cette conclusion après avoir comparé les images de la tête de collecteur vide avec les images du 22 octobre.

Capturée par la caméra SamCam d’Osiris-Rex le 22 octobre 2020, cette série de trois images montre que la tête de l’échantillonneur est pleine de roches et de poussière collectées à la surface de l’astéroïde Bennu. Elle montre également que certaines de ces particules s’échappent lentement de la tête de l’échantillonneur (crédit NASA)

La caméra SamCam a capturé ces 3 images de la tête du collecteur d’échantillons alors qu’elle se déplaçait dans plusieurs positions différentes. 

La caméra SamCam fournit des images de la tête d’échantillonnage à partir de trois points de vue différents, d’abord en regardant le haut de la tête d’échantillonnage suivi d’un profil latéral, puis d’une vue en bas de la structure. Cela fournit une confirmation visuelle que le matériau de l’échantillon a été capturé et vérifie que les surfaces de la tête d’échantillon sont propres et qu’il n’y a aucune obstruction qui pourrait gêner l’installation de la tête TAGSAM dans la capsule de retour d’échantillon (crédit NASA/Lockheed Martin)

En examinant ces images, l’équipe OSIRIS-REx a remarqué à la fois que la tête semblait pleine de particules d’astéroïdes et que certaines de ces particules semblaient s’échapper lentement du TAGSAM. Ils soupçonnent que des morceaux de matériau passent à travers de petits espaces du volet en mylar (le renflement noir à gauche à l’intérieur de l’anneau), conçu pour maintenir le matériau collecté verrouillé à l’intérieur, mais ayant des zones ouvertes sans doute à cause de roches plus grosses qui n’ont pas complètement traversé le clapet.

Les images montrent également que tout mouvement “brusque” de la sonde et l’instrument TAGSAM peut entraîner une perte supplémentaire d’échantillons. Pour préserver le matériel restant, l’équipe de la mission a décidé de renoncer à l’activité de mesure de la masse des échantillons initialement prévue pour le samedi 24 octobre et a annulé un allumage des moteurs pour freiner la sonde prévu initialement le 23 pour minimiser toute accélération.

Selon le dernier communiqué de la NASA au 23 octobre, OSIRIS-REx reste en bonne santé et l’équipe de la mission est en train de finaliser un calendrier pour le stockage des échantillons.

Pour le rangement de la tête d’échantillon et son précieux régolithe, la capsule de retour d’échantillon sera ouverte et le bras robotique manœuvrera soigneusement la tête d’échantillon dans un réceptacle qui comprend trois verrous de fixation sécurisés.

Séquence de stockage de la tête de TAGSAM renfermant les échantillons collectés à la surface de Bennu (crédit NASA/Lockheed Martin)

Osiris-Rex va quitter le voisinage de Bennu en 2021 pour revenir vers la Terre. En 2023, une capsule (SRC) se séparera de l’engin spatial et reviendra sur Terre avec les échantillons pour qu’ils soient analysés par les scientifiques. O-Rex utilise le même type de capsule de retour que la mission Stardust avait utilisée. Cette mission lancée en 1999 avait capturé quelques échantillons de la comète Wild 2 en janvier 2004 avec un retour sur Terre en 2006.

La capsule Stardust de retour d’échantillons d’une comète (credit NASA)

En attendant le retour des échantillons d’Osiris-Rex : Hayabusa-2

OSIRIS-Rex n’est pas la seule mission en cours pour le retour d’échantillons d’un astéroïde. Actuellement la sonde japonaise Hayabusa-2 est en route pour un retour de ses échantillons récoltés sur l’astéroïde Ryugu en décembre prochain.

Pour en savoir plus sur Osiris-Rex :

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